Pour que les citoyens puissent proposer une législation dans le cadre de l'initiative citoyenne introduite par le traité de Lisbonne, ils devront fournir une somme très importante de données personnelles et ils devront satisfaire à des conditions spécifiques, selon une nouvelle réglementation consultée par EURACTIV, qui devrait être présentée par la Commission européenne aujourd'hui (31 mars).
Le principe de la nouvelle initiative citoyenne est le suivant : bien qu'il n'affecte pas le droit d'initiative de la Commission, il obligera cependant la Commission, en tant que collège, à considérer sérieusement les requêtes avancées par les citoyens, selon un projet de règlement, que l'exécutif de l'UE rendra public mercredi.
Les citoyens auront ainsi la possibilité de participer directement au processus législatif. Les institutions européennes espèrent que ce nouvel instrument aidera à combler le déficit démocratique que les citoyens ont mis sous les projecteurs, en répondant plusieurs fois "non" lors des référendums sur le traité de Lisbonne.
Cependant, les défenseurs de l'une des pétitions paneuropéennes les plus médiatisées, la campagne pour faire de Bruxelles le siège unique du Parlement européen, n'ont pas pour projet de se servir de cet instrument, qu'ils jugent trop complexe à utiliser malgré leurs affirmations selon lesquelles ils auraient déjà réunis plus de 1 270 000 signatures pour leur initiative.
La Commission espère que cet instrument favorisera le développement d'un véritable espace public européen. Je crois sincèrement que ce nouvel instrument va encourager le débat public transfrontalier sur les questions relatives aux politiques européennes en amenant les citoyens de différents pays à défendre ensemble une position spécifique, a déclaré lors d'une audition devant le Parlement européen la semaine dernière le commissaire en charge de cette initiative, Maroš Šef?ovi?.
Pour y parvenir, un certain nombre de conditions devront être remplies.
Le projet de règlement de la Commission
Comme le dispose déjà le traité de Lisbonne, toute initiative législative portée par les citoyens doit obtenir le soutien d'au moins un million de signatures. De plus, dans le document qui doit être publié demain, la Commission va spécifier d'autres conditions.
Les signataires doivent être issus d'au moins un tiers des pays de l'UE – 9 pays tant que l'UE compte 27 membres – le même nombre nécessaire pour déclencher une coopération renforcée entre Etats désireux d'accélérer leur processus d'intégration sur certaines questions.
L'option consistant à abaisser ce seuil à un quart des Etats membres de l'UE a été écartée au dernier moment par la Commission.
D'autre part, Bruxelles va proposer un nombre minimum de signataires pour chaque pays participant. Ce nombre devrait être proportionnel à la taille de chaque Etat membre, selon le projet de règlement.
En d'autres termes, un petit Etat membre aura besoin en proportion de plus de signataires qu'un gros Etat membre. Dans une annexe, le document spécifie que le nombre requis pour chaque Etat membre varie de 4 500 signataires pour le Luxembourg, l'Estonie, Chypre et Malte (un peu plus de 0,2 % de la population) à 55 000 pour la France et 72 000 pour l'Allemagne (un peu moins de 0,2 % de la population).
Chaque initiative citoyenne devrait d'abord être enregistrée puis ensuite soumise à un examen d'admissibilité par la Commission, une fois que les organisateurs ont collecté au moins 300 000 affirmations de soutien. L'exécutif de l'UE devra évaluer l'admissibilité de la proposition sous deux mois.
Deux principes de base devront être respectés pour qu'une proposition soit admissible. Elle doit concerner une question où un acte juridique de l'Union peut être adopté aux fins de la mise en œuvre des traités et elle doit correspondre au cadre des pouvoirs d'initiative de la Commission, selon l'Article 8 du projet de règlement.
Les signatures peuvent être obtenues sous forme papier ou électronique, pour autant qu'elles respectent un certain nombre de paramètres. Elles doivent être réunies dans une période qui ne doit pas excéder 12 mois, après quoi le processus devrait repartir de zéro.
Si une initiative citoyenne est présentée dans le respect de ces règles, la Commission devra publier une communication dans les quatre mois qui ont suivi la soumission de l'initiative. Mais l'exécutif de l'UE n'est pas juridiquement contraint de déclencher une action législative en réponse à une collection de signatures.
Trop de données personnelles demandées ?
Chaque signataire devra fournir une variété de données personnelles, y compris son nom, son adresse, son adresse électronique, la date et son lieu de naissance et les numéros de ses papiers d'identification (passeport, carte d'identité, sécurité sociale). Tout cela est nécessaire pour éviter les fraudes.
Le projet de règlement souligne que les données fournies par les signataires seront sujettes à une protection renforcée, et seront détruites lors du dernier mois après la soumission de l'initiative à la Commission, ou 18 mois après la date d'enregistrement d'une initiative citoyenne, peu importe que ce soient les plus antérieures.
Cependant, les informations requises risquent de rendre la vie difficile pour les pétitionnaires. Nous ne prévoyons pas d'utiliser ce nouvel instrument, a déclaré à EURACTIV Anders Ekberg, l'un des promoteurs de la campagne Oneseat (un siège).
La campagne Oneseat, lancée en 2006, souhaite mettre un terme au "cirque voyageur" qui voit les eurodéputés, leur équipe, les journalistes et les lobbyistes faire 450 km depuis Bruxelles jusqu'à Strasbourg pour 12 sessions de 4 jours par an. Les opérations liées au double siège parlementaire coûtent aux contribuables environ 200 millions d'euros par an (EURACTIV 22/10/06).
Les promoteurs de cette initiative ont affirmé avoir réuni presque 1 270 000 signatures.
Cependant, dans cet exemple, les exigences de la réglementation sur l'initiative citoyenne rendent ces signatures inutilisables. Je crois savoir que les règles vont demander les adresses de ceux qui signent. Nous avons seulement les adresses électroniques, a déclaré M. Ekberg.
Cela paraît être un moyen pour la Commission de s'assurer qu'il est plus difficile d'atteindre un million de signatures et c'est une autre preuve de leur manière dépassée de penser, a ajouté M. Ekberg.