La Commission européenne a ignoré une demande du gendarme européen pour plus de transparence dans ses relations avec les géants du tabac.
Emily O’Reilly, médiatrice européenne, a appelé l’exécutif à publier en ligne chaque rencontre d’un responsable européen avec des lobbyistes du tabac. En vain. Le rôle du Médiateur européen est d’enquêter sur les cas de mauvaise administration au sein des institutions.
Le 8 février, elle a déclaré « regretter profondément » le rejet de la Commission, qui selon elle, ignore sciemment les lignes directrices de l’ONU en matière de santé et ferme les yeux sur le lobbying des géants du tabac auprès de diverses directions générales (DG) de la Commission.
L’exécutif, qui a déjà une expérience houleuse avec le lobbying du tabac, affirme agir selon la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac (CCLAT).
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Cette convention de 2005 demande à ses signataires, dont l’UE, d’être responsables et transparents dans leurs relations avec l’industrie du tabac. Seule la DG Santé de la Commission a adhéré à la convention, a expliqué Emily O’Reilly, et ce malgré des règles stipulant que « toutes les branches de la gouvernance » tombaient sous le champ de la CCLAT.
« La santé publique doit répondre aux normes les plus exigeantes », a-t-elle déclaré dans un communiqué qui pourrait précéder une critique sévère de la Commission dans son rapport final.
« La Commission Juncker loupe une réelle occasion de faire preuve de leadership mondial face au lobbying du tabac », a assuré Emily O’Reilly. « Il semblerait que la puissance du lobbying de l’industrie du tabac continue d’être sous-estimée. »
La médiatrice européenne a ouvert une enquête sur le sujet suite à une plainte de l’ONG Observatoire de l’Europe industrielle. La médiatrice est chargée de trouver des « solutions à l’amiable » aux plaintes.
Même si elle ne peut pas obliger la Commission à suivre ses recommandations, la médiatrice peut terminer son enquête par un rapport accablant.
En octobre 2015, elle a qualifié la politique de transparence de la Commission vis-à-vis des lobbys du tabac d’« inadéquate, peu sérieuse, et laissant à désirer », mais l’exécutif a décidé d’ignorer ses recommandations.
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La médiatrice, qui a reconnu que la Commission Juncker avait fait quelques progrès dans la transparence d’autres secteurs, s’entretiendra avec l’Observatoire de l’Europe industrielle avant de mettre la dernière main à son rapport.
« La complaisance et l’opacité avec lesquelles la Commission gère ses relations dans l’industrie du tabac sont fort regrettables – mais ce n’est pas nouveau », a regretté Olivier Hoedeman, coordinateur recherche et campagne de l’Observatoire de l’Europe industrielle. « Nous espérons qu’elle comprendra enfin qu’elle doit respecter ses obligations onusiennes et prendre des mesures efficaces pour empêcher l’influence indue des lobbyistes des cigarettiers. »
La précédente Commission Barroso avait déjà été ébranlée par un scandale de pot-de-vin de l’industrie du tabac, le Dalligate. En octobre 2012, une enquête du bureau anti-fraude révélait qu’en échange de 60 millions d’euros, le commissaire à la santé John Dalli était prêt à adoucir la directive sur le tabac. Ce dernier avait alors été poussé vers la sortie par l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso.
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Une étude publiée en 2014 révèle que Philip Morris est l’entreprise qui a dépensé le plus d’argent pour faire du lobbying auprès de l’UE.