ENTRETIEN. Willy Schraen, tête de liste du nouveau mouvement « L’Alliance rurale », souhaite constituer un groupe au Parlement européen avec tous les élus qui partagent les valeurs de la ruralité « contre les écologistes animalistes ». Révoltes agricoles, Pacte vert, loup, RN… Il détaille pour Euractiv certaines de ses positions et fait part de ses ambitions pour la ruralité européenne.
Willy Schraen est président de la Fédération nationale de la chasse (FNC) et tête de liste du mouvement « L’Alliance rurale » aux élections européennes.
Les manifestations d’agriculteurs prennent de l’ampleur en Europe, en particulier en Allemagne et en France, contre les surtaxes et les normes européennes. Vous joignez-vous à cette grogne ?
Je les soutiens totalement. L’agriculture est le socle du monde rural. Malheureusement, les agriculteurs vivent des heures difficiles.
Et cela n’est pas nouveau ! L’Union européenne fait payer psychologiquement et économiquement aux agriculteurs les erreurs accumulées pendant des décennies.
C’est l’Europe qui a imposé aux agriculteurs, par exemple, de faire des économies d’échelle à la production ou d’arracher les haies pour le remembrement. 40 ans après, elle exige de ces mêmes agriculteurs qu’ils replantent des haies… Ce n’est pas tenable.
Le prochain Parlement européen devra voter de nombreux textes du Pacte vert pour l’Europe. Pensez-vous, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron en juin dernier pour les sujets industriels, qu’il faille une « pause réglementaire » sur les sujets agricoles ?
Oui, il faut une vraie pause. Arrêtons « d’emmerder » les agriculteurs !
Si nous restons enfermés dans cette spirale d’interdictions et de contraintes, la production des États membres va baisser de 15 %. Nous allons donc tuer l’agriculture européenne à petit feu, tout en important plus de produits peu chers provenant de pays tiers qui ne respectent pas les mêmes normes.
La révision de la législation européenne sur le bien-être animal devrait être soumise au Parlement européen lors de la prochaine législature. Faut-il revoir certaines règlementations dont la plupart ont plus de 20 ans ?
Cette révision tente de normer la production animale en faisant comme si les animaux étaient des êtres humains. Aujourd’hui nous interdisons la pêche de loisir au vif [poisson vivant servant d’appât], et demain nous interdirons de mettre un vers de terre sur un hameçon !
Il faut mettre un frein à cette dérive technocratique. En l’état, cette révision sonnera la fin des relations entre les animaux et les hommes, que ce soit les animaux d’élevage ou de compagnie.
Soutenez-vous la proposition de la Commission européenne de réviser la directive Habitats pour changer le statut de protection du loup, lequel passerait d’animal « strictement protégé » à « protégé » ?
En Roumanie ou en Hongrie, les attaques de loups et d’ours se multiplient. Ils rentrent en ville, mangent les chiens, attaquent les humains.
Il y aurait, dit-on, 550 ou 700 loups en France [1 104 selon l’OFB]. Il y en a plutôt 2500 à 3000. Soit nous diminuons cette population, soit nous courrons à la catastrophe.
Le loup menace aussi les estives, des espaces dotés d’une flore et d’une faune exceptionnelle. Si vous retirez les troupeaux et les bergers, vous tuez cette biodiversité. Mais les écologistes dogmatiques préféreront toujours détruire une partie de la biodiversité pour mettre en avant la responsabilité de l’homme.
Vous fustigez les normes européennes et opposez une écologie de la ruralité à une écologie punitive portée par les écologistes comme le mouvement agriculteur-citoyen (BBB) qui prend de l’ampleur aux Pays-Bas. Sont-ils vos alliés ?
Ce sentiment de colère que je ressens est le même partout en Europe. Raison pour laquelle de nombreux pays européens sont au travail pour constituer des listes défendant les mêmes valeurs. C’est le cas du BBB, et bien d’autres, avec qui nous échangeons.
Sans groupe commun au Parlement européen, il sera difficile de peser. C’est pour cela que si nous avons des eurodéputés, nous constituerons un groupe « ruralité » apolitique avec tous ceux qui se retrouvent dans nos valeurs de tradition et de culture rurale.
Nous devons créer un pendant à toute cette dérive « écolo-animaliste », une sorte de polyphonie rurale européenne.
Jordan Bardella fustigeait au Parlement mercredi (17 janvier) l’UE qui « assomme » les agriculteurs « de normes, de mépris et de réprimandes ». Qu’est-ce qui vous différencie du RN ?
Nous avons des points communs avec beaucoup de partis politiques, car tout le monde se dit proche des agriculteurs et du monde agricole. Mais les partis font de la politique. Et quand on fait de la politique, on fait des compromis.
Au RN certains disent défendre les éleveurs, mais il y a, au sein de cette formation, un mouvement écolo-punitif, voire animaliste. Donc même avec de bonnes intentions, les marges de manœuvre sont faibles.
Je ne ferai aucun compromis dans la défense du monde rural. Je veux porter un étendard.
Le RN vous reproche de faire le jeu d’Emmanuel Macron en leur siphonnant des voix dans les milieux ruraux. Vous avez en effet appelé à voter pour lui en 2022…
Lors de l’élection présidentielle, je me préoccupai du monde de la chasse. En tant que président de la Fédération nationale de la chasse, mon rôle était de me préoccuper du monde de la chasse, de répondre aux intérêts des chasseurs.
À ce moment-là, Emmanuel Macron était le meilleur candidat sur ce plan. J’ai aussi dit que j’avais de la sympathie pour Fabien Roussel. J’ai appelé à voter Xavier Bertrand (LR) aux régionales.
Cette fois, c’est mon histoire. J’ai des convictions et, si je suis élu, je les tiendrai jusqu’au bout de mon mandat.