Alors que la réforme de la Politique agricole commune (PAC) vient d’être définitivement adoptée au Parlement européen ce mardi (23 novembre), suscitant des réactions fort partagées en France, tout dépend désormais du plan stratégique national que la France doit soumettre au 31 décembre.
Après plus de trois ans de débats, la réforme de la PAC, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023 pour la période budgétaire allant jusqu’en 2027, a enfin franchi la dernière étape décisive : après un dernier débat, les eurodéputés ont adopté le paquet ce mardi (23 novembre) avec une large majorité.
Le résultat du vote n’aura pas manqué de susciter les critiques des eurodéputés verts qui avaient appelés leurs collègues à voter contre une réforme à leurs yeux trop peu ambitieuse en matière environnementale notamment. Avis que reflètent également les réactions de plusieurs ONG et syndicats français.
La plateforme Pour une autre PAC fustige ainsi, sur Twitter, l’adoption d’une PAC qui serait « ni en phase avec les stratégies De la ferme à la fourchette et de la biodiversité, ni à la hauteur des défis socio-économiques et environnementaux de l’agriculture ».
Même son de cloche du côté de la Confédération Paysanne, pour laquelle le Parlement européen vient d’adopter une « PAC du renoncement » qui serait « ni plus verte, ni créatrice d’emplois paysans » et qui resterait « contraire aux objectifs du Pacte Vert » de la Commission européenne.
Avis partagé par Greenpeace France, qui déplore une PAC « terriblement lacunaire tant au niveau environnemental que social ».
« Cette réforme ne peut pas être injustement résumée à une opération de greenwashing », juge en revanche la FNSEA, principal syndicat agricole français. La nouvelle PAC serait « très exigeante, particulièrement sur le plan environnemental » et demandera des « efforts considérables » à tous les agriculteurs français, a-t-elle affirmé dans un communiqué publié en amont du vote.
« Avec 25 % des aides conditionnées à des pratiques plus vertueuses, l’incitation à la transition agroécologique est forte », a encore appuyé la présidente de la FNSEA Christiane Lambert sur FranceInter ce mercredi (24 novembre).
Plan stratégique national : « la course contre la montre est engagée »
Mais quel que soit leur avis, tous les acteurs s’accordent sur l’importance que revêt désormais le plan stratégique national (PSN) de la France. Pour rappel, la nouvelle PAC, octroie plus de marge aux États membres pour décliner et mettre en œuvre cette politique au niveau national. Chaque État devra à cette fin présenter un PSN à la Commission européenne avant le 31 décembre 2021.
Alors que plusieurs États membres ont déjà fait part de leurs difficultés pour respecter ce délai, la FNSEA alerte qu’une « course contre la montre est engagée ». « La date du 1er janvier 2023 peut sembler lointaine, elle est en réalité toute proche », souligne le syndicat qui rappelle qu’une fois soumis, les PSN devront encore être analysés et approuvés par la Commission avant de pouvoir être mis en œuvre.
Or, il serait « temps pour les agriculteurs français et européens de connaître les règles du jeu pour 2023 ». Il faudrait « laisser le temps de l’adaptation » aux agriculteurs pour lesquels les réformes successives de la PAC entraîneraient des « conséquences majeures pour l’équilibre économique de nos exploitations ».
« J’attends maintenant des Etats membres qu’ils fassent leur boulot et terminent la rédaction des PSN afin de donner de la sécurité aux agriculteurs », a aussi déclaré Norbert Lins, eurodéputé allemand (EPP) et président de la Commission de l’agriculture et du développement rural au Parlement européen après le vote de mardi.
Mais si le ministre de l’Agriculture français Julien Denormandie avait déjà présenté ses premiers arbitrages pour le PSN français, ces derniers restent également très controversés en France.
« La qualité du PSN français est en-deçà de ce que nous pouvions attendre », a fait remarquer l’eurodéputé français Éric Andrieu (S&D), l’un des trois rapporteurs sur la PAC, à EURACTIV France.
Dans une lettre ouverte au Premier ministre Jean Castex, publiée par La Tribune ce lundi (22 novembre), le président de Pour une autre PAC, Mathieu Courgeau, appelle le gouvernement à réviser le PSN français avant sa soumission à la Commission en fin d’année.
Pour une autre PAC ainsi que l’association UFC-Que choisir demandent notamment la suppression du label Haute Valeur Environnementale des pratiques donnant droit à une subvention européenne pour service environnemental et une plus juste valorisation des fermes en agriculture biologique.
Plus globalement, ils exigent un renforcement des critères environnementaux qui donneront une éligibilité aux aides de la PAC et l’imposition d’objectifs de transition agroécologique « allant significativement au-delà du minimum réglementaire ».
Le PSN français est actuellement soumis à une consultation publique qui permettra, encore jusqu’au 12 décembre, aux citoyens et organismes français de donner leur avis sur les déclinaisons annonceés par Julien Denormandie.
Présent lors d’une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg, l’eurodéputé français Manuel Bompard (GUE/NGL) a toutefois regretté un « problème démocratique », le PSN étant « élaboré au ministère de l’Agriculture, sans aucun débat à l’Assemblée nationale ».
L’eurodéputé allemand et rapporteur sur la PAC Peter Jahr (EPP) a pour sa part appelé à donner d’abord une « vraie chance » aux PSN, rappelant que ces derniers n’étaient pas gravés dans le marbre une fois soumis à la Commission.
« Ce n’est pas comme si la Commission allait tout simplement mettre un tampon sur tout ce que les Etats membres vont délivrer », a-t-il déclaré, notant qu’en outre, « les PSN pourront être modifiés annuellement ».