Le gouvernement de la région de Bruxelles a déposé plainte auprès de la Cour de justice de l’UE. La réautorisation du glyphosate reste en travers de la gorge des Belges.
Selon la presse belge, le gouvernement bruxellois a porté plainte le 8 mars pour violation du principe de précaution.
La Belgique figurait parmi les neuf États membres qui ont voté contre le renouvellement de l’autorisation du pesticide controversé.
Interrogé par Euractiv sur les raisons pour lesquelles l’initiative n’a pas été prise au niveau fédéral, un fonctionnaire du ministère bruxellois de l’Environnement a répondu que le gouvernement fédéral ne souhaitait pas faire appel de cette décision.
Reste à savoir si la CJCE acceptera la plainte, étant donné qu’elle ne reconnaît en principe que les plaintes déposées par les États.
« Même si la Région de Bruxelles-Capitale n’est pas un candidat privilégié au même titre que les États membres, les arguments doivent démontrer que le règlement affecte directement l’exercice des compétences de la Région bruxelloise dans le domaine de l’environnement », a déclaré Stéphane Vanwijnsberghe, conseiller au cabinet de la ministre de l’Environnement, Céline Fremault.
Le 10 novembre, le gouvernement bruxellois a interdit l’utilisation du glyphosate sur son territoire, conformément à la politique régionale « zéro pesticide ».
Stéphane Vanwijnsberghe a insisté sur le fait que le règlement ne semblait pas respecter le principe de précaution, qui exige, en cas d’incertitude scientifique sur un risque pour la santé ou l’environnement, l’adoption d’une approche de précaution.
« Les évaluations scientifiques sur lesquelles le renouvellement s’est fondé ont accordé trop de poids aux analyses commanditées et fournies par l’industrie, souvent non publiées et confidentielles, et trop peu aux études universitaires publiées dans des revues spécialisées », a souligné le responsable bruxellois.
« Le doute bénéficie à la substance »
« Ces évaluations scientifiques semblent fondées sur un principe du type ‘le doute profite à la substance’ », souligne le gouvernement bruxellois. « Tant qu’on n’a pas prouvé à 100% le lien de causalité entre le glyphosate et des effets nocifs, on ne peut pas l’interdire, ce qui est diamétralement opposé au principe de précaution. »
Le centre de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS a en effet qualifié le glyphosate de substance « probablement cancérogène », alors que l’OMS elle-même et la FAO estiment que le pesticide « ne pose probablement pas de risque cancérigène pour les humains via leur alimentation ». Un avis partagé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
À Bruxelles, on estime que la décision de réautoriser le pesticide n’a pas été accompagnée des mesures de réduction des risques adéquates. « La Commission aurait dû limiter sa vente aux agriculteurs, ou son utilisation à certaines cultures, voire envisager son élimination progressive », estime le conseiller, qui regrette qu’aucune communication n’aille dans cette direction.
Stéphane Vanwijnsberghe souligne que l’objectif de son gouvernement n’est pas du tout de priver du jour au lendemain les agriculteurs d’une substance dont ils sont devenus très dépendants.
« L’intention est d’exiger une élimination progressive de cette substance, sur trois ans », précise-t-il. « Cela devrait permettre à la Commission de revoir son évaluation et de fournir des mesures contraignantes limitant au moins l’utilisation du glyphosate. »
La Commission ne désavoue pas ses scientifiques
Anca Paduraru, porte-parole de la Commission, n’a pas souhaité commenter le dossier lui-même, Maud mais a défendu la décision de l’exécutif, qu’elle assure en concordance avec le principe de précaution.
« Les évaluations menées par l’EFSA et l’ECHA, ainsi que d’autres agences internationales, ont conclu que le glyphosate n’était pas lié au cancer chez les humains ou à une dégradation des écosystèmes quand il est utilisé selon les conditions de l’autorisation et conformément aux bonnes pratiques agricoles. »
« Nous avons tout à fait confiance en nos scientifiques », assure-t-elle.
Lucas Bergkamp, du cabinet d’avocat Hunton & Williams, le gouvernement bruxellois, n’est cependant pas légalement autorisé à saisir la Cour de justice.
« Si la Cour acceptait la plainte, cela créerait un précédent énorme dans la façon dont les parties privées sont traitées. Celles-ci ne peuvent généralement pas introduire de dossier liés à des réglementations d’application générale », explique-t-il. « Cela ouvrirait une brèche et de nombreuses villes, régions, provinces et autres collectivités locales voudront faire valoir leurs droits, notamment la Catalogne et l’Écosse. »
Pour lui, le gouvernement bruxellois a mal interprété le principe de précaution. « L’incertitude scientifique n’est pas synonyme de preuves bancales ou faibles, qui pourraient être ignorées en fonction de la qualité des données. Le risque perçu n’est pas le risque réel. Le poids de l’approche fondée sur la preuve, par opposition à la solidité de la preuve, reflète déjà le principe de précaution », estime-t-il.