Dans l’UE, la controverse sur les importations de céréales ukrainiennes s’étend à d’autres produits

Bruxelles a temporairement levé les restrictions sur les importations en provenance d’Ukraine en juin 2022 suite à l’invasion du pays par la Russie, ce qui a conduit à un afflux de marchandises ukrainiennes sur le marché de l’UE, entraînant une baisse des prix. [SHUTTERSTOCK/Fahroni]

Dans un contexte de forte augmentation des exportations ukrainiennes vers l’UE, la Commission européenne a reconnu qu’il existe un « risque » que les importations fassent baisser les prix et menacent la production locale de volailles, d’œufs et de sucre.

« Nous ne voyons pas d’évolution négative significative sur le marché agricole de l’UE », a déclaré Pierre Bascou, directeur général adjoint de la direction générale de l’Agriculture, aux députés européens qui ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’augmentation des importations ukrainiennes lors d’une réunion de la commission de l’Agriculture (AGRI) du Parlement européen la semaine dernière.

Cependant, M. Bascou a reconnu que la Commission avait identifié « une certaine vulnérabilité et un risque » pour la production de volaille, d’œufs et de sucre. « C’est un élément que nous surveillons de très près », a-t-il ajouté.

Bruxelles a temporairement levé les restrictions sur les importations en provenance d’Ukraine en juin 2022 suite à l’invasion du pays par la Russie, ce qui a conduit à un afflux de marchandises ukrainiennes sur le marché de l’UE, entraînant une baisse des prix.

Ce phénomène a particulièrement touché les pays voisins de l’Ukraine, à savoir la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie, qui sont rentrés dans un bras de fer avec Bruxelles.

Interdiction des importations ukrainiennes : Kiev poursuit la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie devant l’OMC

L’Ukraine a intenté une action devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie à la suite de leur décision d’imposer unilatéralement une interdiction sur les produits agricoles ukrainiens.

Si les céréales et les oléagineux représentent la majeure partie des importations — l’Ukraine étant l’un des plus grands exportateurs de céréales au monde — les députés ont également pointé du doigt d’autres produits agricoles.

Dans l’UE, « [les exportations de] viande de volaille ukrainienne ont augmenté d’environ 150 % par rapport à la situation d’avant-guerre, et les œufs […] de plus de 100 % », a déclaré l’eurodéputé de centre droit Norbert Lins (Parti populaire européen).

En réponse, M. Bascou a souligné la baisse de la production d’œufs de l’UE au cours des derniers mois, résultant de « la hausse des coûts des intrants et l’impact des épidémies de grippe aviaire », couplée à une augmentation simultanée de la demande des consommateurs.

L’Union européenne reste l’un des plus grands producteurs de viande de volaille au monde et un exportateur net, avec une production annuelle d’environ 13,4 millions de tonnes, selon les données de l’UE.

Toutefois, l’Association des transformateurs de volailles et du commerce de volailles dans l’UE (AVEC) met en garde contre une baisse de la compétitivité de l’UE et estime que l’augmentation des importations en provenance d’Ukraine, mais aussi du Brésil et de Thaïlande, « est très inquiétante ».

Importations de poulet ukrainien : Marc Fesneau ne veut pas envoyer de "signaux hostiles" à Kiev

Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a affirmé mardi (12 septembre) qu’il ne voulait pas « envoyer de signaux hostiles à l’Ukraine » alors que les professionnels français de la volaille le pressent d’intervenir contre le « déferlement » de poulets ukrainiens sur le marché français.

Les importations de sucre, un point sensible

Des voix se sont également élevées contre les importations de sucre, en particulier en France.

Les exportations de sucre de l’Ukraine vers l’UE sont passées de 25 000 tonnes entre octobre 2021 et juillet 2021 à 390 000 tonnes au cours de la même période l’année dernière, selon les chiffres de l’UE.

« Des usines ont été fermées », a averti l’eurodéputée française Anne Sander (Parti populaire européen).

Mardi dernier (28 novembre), la Confédération Générale des planteurs de Betteraves (CGB) de France demandait « une réponse claire de la Commission européenne sur la gestion future de cet afflux de sucre ». L’association craint que l’augmentation des volumes ne fasse baisser les prix et ne nuise aux producteurs européens.

Toutefois, M. Bascou a souligné que « les prix [du sucre] restent à un niveau très élevé […] à plus de 800 euros la tonne ».

Le prix moyen du sucre dans l’UE « a atteint des niveaux record en 2023 », a pour sa part souligné le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski. En outre, « en raison d’une grave sécheresse estivale, la production de sucre pour 2022/2023 est estimée à près de 12 % de moins que l’année précédente », a-t-il déclaré dimanche (3 décembre) dans une réponse écrite à l’eurodéputé allemand Peter Jahr (Parti populaire européen).

Dans le même ordre d’idées, M. Bascou a rappelé aux eurodéputés que l’UE était dépendante des importations ukrainiennes avant la guerre et qu’elle l’est toujours actuellement. Il a ajouté que la Hongrie et la Roumanie sont des « importateurs nets » de sucre.

Importations de céréales : Hongrie et Pologne maintiennent leur ligne

Pendant ce temps, la Commission européenne a confirmé à Euractiv que les interdictions imposées unilatéralement en septembre sur les importations ukrainiennes sont toujours en place en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie. Il a également tenu à exprimer son inquiétude face à cette situation.

Le vice-président de la Commission européenne chargé du Commerce, Valdis Dombrovskis, a rencontré le vice-premier ministre slovaque Peter Kmec vendredi dernier (1er décembre) pour discuter des moyens de désamorcer les tensions, a confié un porte-parole de la Commission à Euractiv.

M. Dombrovskis et M. Kmec ont évoqué des voies d’amélioration des « couloirs de solidarité », des routes terrestres alternatives mises en place par l’UE pour permettre à Kiev d’exporter ses céréales et ses oléagineux suite à la guerre en Ukraine.

Ces couloirs sont devenues encore plus importantes après que la Russie s’est retirée en juillet de l’initiative céréalière de la mer Noire, qui permettait un passage sûr pour les navires de marchandises.

La Roumanie signe un accord avec l’Ukraine pour accroître la capacité des couloirs de solidarité

Le Premier ministre roumain Marcel Ciolacu et son homologue ukrainien Denys Shmyhal ont signé mercredi à Kiev un protocole d’accord qui contribuera à sécuriser le transit des produits ukrainiens et à favoriser les passages frontaliers entre l’Ukraine et la Roumanie.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire