Le glyphosate réautorisé pour cinq ans

L’herbicide a été réautorisé pour 5 ans, lors d’une vote à la majorité qualifiée des États membres a finalement réautorisé la vente du glyphosate. 18 pays, dont l’Allemagne qui a changé d’avis, ont voté pour, face à neuf contre dont la France.

Le comité d’appel, composé d’experts des États membres de l’UE et de la Commission européenne, s’est réuni pour discuter du renouvèlement de l’approbation de la substance active désherbante glyphosate, le 27 novembre.

La Commission a indiqué qu’une majorité d’États (18 pour, neuf contre et une abstention) a voté en faveur d’une autorisation du produit pour cinq ans. L’Allemagne a voté en faveur d’une nouvelle approbation, après s’être précédemment abstenue, tout comme la Roumanie. Cela a permis d’obtenir la majorité qualifiée.

Le Portugal s’est abstenu, alors que neuf États, dont la France et la Belgique, se sont opposés au renouvèlement d’autorisation de la substance, considérée par certains comme potentiellement cancérigène et perturbatrice endocrinienne.

Denis Ducarme, ministre belge à l’Agriculture, « déplore extrêmement vivement qu’aucune disposition ne mettant en place une [suppression graduelle] du glyphosate ni aucun budget pour financer des alternatives n’aient été prévus  ». Ses porte-parole indique que le cabinet travaille à des textes interdisant la commercialisation du glyphosate pour les usages privés.

Isolé sur le glyphosate, le CIRC répond

Le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, émanant de l’OMS, n’en démord pas : le glyphosate, pesticide le plus utilisé au monde, est probablement cancérigène. L’agence est cependant isolée.

« Le vote d’aujourd’hui montre que lorsque nous le voulons tous, nous sommes capables de partager et d’accepter notre responsabilité collective dans la prise de décision », a déclaré, soulagé, Vytenis Andriukaitis, le commissaire chargé de la santé.

La Commission va maintenant adopter la décision avant que l’autorisation actuelle n’expire le 15 décembre, comme le prévoit la législation communautaire en vigueur.

Paris réaffirme son opposition au glyphosate

La France a réaffirmé son opposition au renouvellement de l’autorisation de vente du glyphosate proposé par Bruxelles. Mais agriculteurs et ONG dénoncent la « cacophonie » du gouvernement sur le sujet.

Les agriculteurs européens déçus

La Copa-Cogeca, qui représente les agriculteurs à l’UE, a cependant exprimé leur déception face à un délai de cinq ans qu’elle estime trop court.

Pekka Pesonen secrétaire général de l’association, a souligné que bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle, elle ne met pas fin aux incertitudes des agriculteurs. « La réautorisation du glyphosate pour cinq ans au lieu des 15 années habituelles nous inquiète », a-t-il expliqué.

« La nouvelle autorisation aurait dû être de 15 ans après que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) lui ont donné une évaluation positive. Le glyphosate est vital pour offrir à une population croissante un approvisionnement alimentaire fiable des prix abordables », a-t-il ajouté.

L’Assemblée commencera ses travaux sur le glyphosate mi-novembre

En plein débat européen sur le renouvellement du glyphosate, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les produits phytosanitaires commencera ses travaux autour de la mi-novembre.

A l’inverse, la gauche du Parlement européen souhaitait une élimination progressive de l’herbicide dans les 5 ans, et a vivement réagi. La probabilité de l’ouverture d’une commission d’enquête au Parlement européen progresse.

 

Les eurodéputés S&D Eric Andrieu (France) et Marc Tarabella (Belgique) ont réagi avec force à la nouvelle de la réautorisation du glyphosate dans un communiqué intitulé « 18 coupables et une irresponsable ! » dans lequel ils estiment que « lorsqu’il y a un doute, une controverse, en tant que responsables politiques, nous nous devons d’appliquer le principe de précaution ».

« Nous demandons à ce que la décision concernant le renouvèlement de l’approbation du glyphosate soit fondée sur des résultats scientifiques crédibles et indépendants et non sur des copiés-collés d’études biaisées, fournies par l’industrie », écrivent-ils, accusant la Commission européenne de faire le jeu des lobbys et de n’avoir jamais prévu « de plan de sortie du glyphosate ».

Françoise Grossetête, vice-présidente du PPE, fait également allusion à la suppression future du glyphosate. « Alors que le lien entre cancer et glyphosate reste à démontrer, l'impact nocif de la substance sur l'environnement ne fait lui aucun doute » a-t-elle souligné, avant de conclure « au-delà de cette période de cinq ans, qui doit permettre de se tourner vers d'autres alternatives, il est donc indispensable de mettre en œuvre une vraie stratégie de sortie, comme l'a d'ailleurs réclamé le Parlement européen. »

« Le glyphosate endommage la nature, cause probablement des cancers et permet la survie d’un système agricole industriel dégradant la terre dont nous avons besoin pour nous nourrir », a dénoncé Adrian Bebb, des Amis de la Terre Europe. « Même si ce n'est que pour cinq ans, la réautorisation d'aujourd'hui, est une occasion manquée de se débarrasser de cet herbicide risqué et de commencer à sevrer les agriculteurs de l’engrenage des produits chimiques. Cinq autres années de glyphosate mettront en danger notre santé et notre environnement, et constituent un revers majeur dans les méthodes d'agriculture plus durables. »

Luis Morago, directeur de campagne chez Avaaz, est moins pessimiste : « Monsanto pensait gagner 15 années supplémentaires de glyphosate les yeux fermés, mais a dû lutter bec et ongles pour obtenir cinq ans avec des restrictions. Aujourd'hui, l'Allemagne s'est inclinée devant la pression des entreprises, ignorant ses propres citoyens et le Parlement européen pour offrir un cadeau de Noël précoce à l'industrie chimique. Mais elle ne pourra pas protéger longtemps Monsanto de l'opposition écrasante du public contre le poison épandu sur notre nourriture et nos terrains de jeux. »

Chez Les Verts, le ton est à l'outrage. «C’est une décision qui privilégie le businness et les lobbies plutôt que la santé et la science, alors que l’Organisation mondiale de la santé classe le glyphosate comme cancérigène probable et que ses effets nocifs sur l’environnement ont déjà été prouvés.

Cette décision est d’autant plus scandaleuse alors que nous savons, grâce aux Monsanto Papers, que la firme états-unienne a délibérément manipulé les agences européennes» assurent Julien Bayou et Sandra Regol, les porte-parole du mouvement.

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire