Importations de céréales ukrainiennes : Bruxelles annonce un nouveau programme de soutien aux agriculteurs de l’UE

Un second dispositif de soutien étant « encore en discussion », la Commission a refusé d’ajouter d’autres détails sur le montant, le calendrier ou les critères d’attribution. [SHUTTERSTOCK]

Suite à la décision de la Pologne, de la Hongrie et de la Slovaquie d’interdire l’importation de produits agricoles en provenance d’Ukraine, la Commission européenne a annoncé qu’elle envisageait un nouveau programme de soutien aux agriculteurs de l’UE touchés par l’afflux de produits agricoles ukrainiens sur leurs marchés,.

« Nous travaillons actuellement sur un second ensemble de mesures qui nous permettraient de continuer à soutenir ces pays qui sont affectés par les importations en provenance d’Ukraine », a déclaré un porte-parole de la Commission lors de la conférence de presse quotidienne de l’exécutif de l’UE lundi (17 avril).

Une première aide de 56 millions d’euros pour la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie a été accepté par les États membres à la fin du mois de mars et financé par une enveloppe de 450 millions d’euros par an incluse dans la réserve de crise agricole, un fonds du régime de la Politique agricole commune (PAC).

Toutefois, ce dispositif n’a pas suffi à apaiser les agriculteurs polonais, qui sont descendus en force dans les rues, ce qui a finalement abouti au licenciement du ministre de l’Agriculture Henryk Kowalczyk.

Étant donné qu’un second programme est « toujours en discussion », la Commission a refusé de donner d’autres détails sur le montant, le calendrier ou les critères d’allocation.

Cependant, l’exécutif européen a souligné que le premier dispositif avait été « déclenché très rapidement ».

« Il s’agissait d’une adoption assez rapide, et nous nous attendons à ce qu’il en soit de même pour la seconde mesure de soutien », a déclaré le porte-parole, ajoutant que la Commission « prend en considération l’impact de cette augmentation des importations sur les pays de la ligne de front ».

Cette annonce fait suite aux déclarations selon lesquelles la Hongrie et la Pologne, voisines de l’Ukraine, ont pris la décision unilatérale d’interdire l’importation de produits agricoles du pays en guerre, tels que les céréales et la volaille. La Bulgarie envisage également une mesure similaire. Dans le même temps, le journal The Guardian a rapporté que la Slovaquie avait pris une initiative similaire.

Interdiction de céréales ukrainiennes : la Bulgarie emboîte le pas à la Pologne et la Hongrie

Suivant l’exemple de la Pologne et de la Hongrie, la Bulgarie se prépare également à interdire l’importation de céréales ukrainiennes, a annoncé le ministre de l’Agriculture bulgare alors que la Commission européenne a critiqué Varsovie et Budapest pour leur décision « inacceptable ».

La tension est apparue à la suite d’un afflux important de produits agricoles ukrainiens dans les États membres voisins, en raison d’une combinaison de l’initiative des couloirs de solidarité de l’UE visant à aider l’Ukraine à exporter des produits agricoles par toutes les voies possibles et d’un régime temporaire de libéralisation des échanges qui a suspendu les droits de douane et les quotas sur les importations de produits agroalimentaires en provenance d’Ukraine.

Cela a provoqué une grande consternation dans les États membres voisins de l’Ukraine, qui ont commencé à tirer la sonnette d’alarme sur le fait qu’ils pourraient être écartés du marché céréalier en septembre 2022.

Selon Reuters, Kiev espère maintenant rouvrir le transit des aliments et des céréales via la Pologne comme « première étape » pour mettre fin aux interdictions d’importation lors des discussions qui ont commencé à Varsovie lundi.

Face à l’afflux de céréales ukrainiennes, l’UE vient en aide à ses agriculteurs et active la réserve de crise

La Commission européenne propose de mobiliser 56 millions d’euros du budget de l’UE pour aider la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie à faire face à l’augmentation des importations de céréales et oléagineux en provenance de l’Ukraine voisine.

La base juridique reste floue pour la Commission, mais pas pour les experts

Bien que le commerce soit une compétence exclusive de l’UE, le porte-parole de l’exécutif a déclaré qu’il n’était pas encore clair si les décisions de Varsovie et de Budapest enfreignaient le droit européen.

« Nous sommes déjà en contact avec les autorités compétentes […] pour bien comprendre la portée des mesures et la base juridique parce que nous ne sommes pas tout à fait au clair sur ce point », a déclaré le porte-parole, ajoutant qu’il était « trop tôt pour anticiper les options possibles ».

Pour l’heure, la priorité est plutôt à la désescalade.

« Notre objectif n’est pas de causer des difficultés aux populations au sein de l’UE alors que nous soutenons l’Ukraine, il ne s’agit donc pas de sanctionner », a déclaré le porte-parole en chef de la Commission, Eric Mamer, ajoutant qu’il s’agissait plutôt de « trouver des solutions ».

Cependant, pour des experts juridiques tels qu’Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris, cette réticence à pointer du doigt signifie que la Commission se dérobe à ses responsabilités.

« Il s’agit d’une nouvelle illustration de la réticence de la Commission à remplir ses devoirs en tant que gardienne des traités », a-t-il déclaré à EURACTIV.

« [Il ne s’agit] pas d’introduire des violations immédiatement, mais aussi de signaler publiquement que l’État est en infraction et donc d’initier des procédures administratives qui peuvent ensuite donner lieu à un appel dans le cas d’une non-conformité persistante », a-t-il ajouté.

L’option dont dispose la Commission comprend une lettre de mise en demeure en vertu de l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). « Il me semble que c’est la seule option possible », a expliqué M. Alemanno.

De son côté, David Kleimann, expert en commerce de l’UE au sein du groupe de réflexion économique Bruegel basé à Bruxelles, a déclaré qu’il s’agissait d’une « conversation bien répétée » entre la Commission et les États membres visant à faire pression sur l’exécutif européen dans le but de modifier les termes de l’accord commercial.

En tant que tel, il a estimé que ces restrictions ne dureraient probablement que quelques jours, juste assez longtemps pour faciliter un « échange robuste » entre les deux parties.

De plus, M. Kleimann a expliqué qu’alors qu’il est plutôt improbable que la Cour de justice de l’UE trouve une quelconque justification à l’interdiction de la Hongrie et de la Pologne, il est peu probable que la Commission ait un quelconque intérêt à une escalade juridique.

Au lieu de cela, il est plus probable qu’elle se concentre sur des solutions pratiques qui travaillent à la résolution et à la collaboration, plutôt que sur des sanctions, a-t-il ajouté.

Malgré les difficultés pour les agriculteurs de l’UE, les exportations agricoles ukrainiennes seront maintenues

La Commission européenne s’est engagée à continuer à apporter son soutien aux exportations agricoles ukrainiennes tout en abordant les préoccupations croissantes concernant les perturbations du marché aux frontières de l’UE avec le pays en guerre.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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