La France soutient d’arrache-pied ce concept d’agro-écologie qui veut réintégrer le CO2 dans les sols. Une idées soutenue par les grands pays agricoles de l’UE.
La France s’apprête à lancer cette semaine, avec une quarantaine d’autres pays une initiative pour le climat qui soit également bonne pour l’agriculture. « On oppose toujours les deux, mais au contraire, on peut les allier ! » se réjouit Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture.
L’idée est simple : il s’agit d’augmenter le taux de CO2 capté par les sols, à raison de 4 grammes de CO2 pour un kilo de sol, ou le concept de « 4 pour 1000 ». Si la planète parvenait effectivement à faire ceci, l’ensemble des émissions de CO2 serait compensé en un an. On en est loin, certes. Mais d’ici 2030, les sols agricoles pourraient absorber jusqu’à 10 % de nos émissions de CO2 actuelles – si les méthodes de culture évoluent.
Cette idée d’un chercheur de l’INRA qui traînait dans les cartons de l’institution depuis une quinzaine d’années sert parfaitement les intérêts des pays agricoles comme la France, qui voient d’un mauvais œil les contraintes de réduction d’émission de CO2 menacer, à terme, leur modèle économique. Et notamment l’élevage, dont les émissions de méthane affectent puissamment l’effet de serre.
L’élevage au cœur du sujet
« Le modèle d’élevage que nous soutenons n’est pas extensif, au contraire, la forêt gagne du terrain en France ! Et la disparition de l’élevage entraînerait des conséquences lourdes comme la disparition des prairies », assure le ministre de l’agriculture français.
Car la prairie joue un rôle majeur dans le concept de 4 pour 1000. Le pâturage herbé permet de capter des quantités importantes de CO2.
Les sols contiennent aujourd’hui 1500 milliards de tonnes de carbone sous forme de matières organiques. « Il faut aujourd’hui remettre le CO2 dans les sols, là où il a été stocké depuis des millions d’années, notamment sous la forme de pétrole et de gaz » assure le ministre de l’Agriculture.
L’agriculture, un atout pour les négociations climatiques
L’initiative 4 pour 1000 n’est pas du tout à l’agenda officiel des négociations. Il prend part, comme de nombreuses autres initiatives, à l’agenda des solutions qui se tient en parallèle. En revanche, le sujet pourrait faire évoluer certains grands pays comme l’Inde qui hésitent à s’engager plus sérieusement contre le changement climatique notamment à cause de leur agriculture. « Avec cette initiative, non seulement on propose des solutions pour produire moins de Co2, mais aussi pour faciliter la production agricole grâce à des sols plus fertiles » assure le ministère de l’Agriculture.
Pour l’instant, les techniques restent encore expérimentales, et aucune méthodologie précise ne permet d’évaluer dans quelle mesure les sols captent plus de carbone, et combien.
La question de la méthodologie est d’ailleurs cruciale. Les pays de l’Union européenne débattent depuis des années des méthodes comptables qui permettent d’évaluer les changements d’affectation des sols, dans le cadre de l’analyse du bilan carbone des biocarburants.
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Mais les propositions de l’initiative 4 pour 1000 ne sont pas très compliquées. Elles supposent, notamment, de ne pas laisser de sol nu et de moins labourer les sols, de développer les haies, favoriser le pâturage. Des solutions plus délicates sont aussi envisagées, comme la restauration de terres dégradées, dont les zones arides et semi-arides.
Les propositions de l’initiative 4 pour 1000 ont reçu le soutien des plus gros pays agricoles de l’UE, comme la Pologne et l’Irlande, mais aussi la Bulgarie.
« Ces pays sont séduits par le fait que l’agriculture, dans notre proposition, n’est plus le problème, mais une partie de la solution. Et il s’agit aussi d’un projet concret » assure la directrice de l’INRA.
La proposition est soutenue par la Fondation du prince Charles, et certaines ONG, comme le CFS (Center for Food Safety). Selon CFS, la terre a perdu 50 à 70 % du CO2 qu’elle contenait, et 30 % des gaz à effet de serre émis au total sont liés à l’agriculture.
« La santé de sols est liée au climat, mais aussi à la nourriture et à la disponibilité de l’eau. Si nous commençons à reconstituer le contenu en Co2 des sols, nous serons aussi plus résistants face aux aléas climatiques » assure Debbie Barker, du CFS.