La France céréalière sonnée face à une moisson de blé « catastrophique »

Les moissonneuses-batteuses sont encore au travail par endroits, mais le constat est déjà largement partagé : la récolte de 2024 sera bien en-deçà de ce à quoi la France, premier producteur et exportateur européen de blé tendre, est habituée. [Getty Images/François Lochon]

« Année noire », « énorme galère » : les superlatifs pleuvent en France, producteur majeur de la céréale du pain, au sujet d’une moisson de blé annoncée comme historiquement basse. Des estimations gouvernementales sont attendues vendredi 9 août.

Les moissonneuses-batteuses sont encore au travail par endroits, mais le constat est déjà largement partagé : la récolte de 2024 sera bien en-deçà de ce à quoi la France, premier producteur et exportateur européen de blé tendre, est habituée.

À la clé : des manques à gagner de plusieurs dizaines de milliers d’euros dans certaines fermes et un désarroi aggravé pour une profession qui s’est largement mobilisée cet hiver, notamment avec des blocages d’autoroute, pour dénoncer la paperasserie et des revenus pas à la hauteur.

Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture, doit publier vendredi des estimations provisoires de la moisson 2024 mais aussi de la future vendange.

C’est la période de l’année où se joue une large part des rentrées d’argent de la profession agricole.

La France a au moins globalement échappé jusqu’ici à la sécheresse, ce qui a préservé les prairies, sources de fourrage pour les bêtes.

Mais les éleveurs, en particulier de moutons, ne sont pas tranquilles pour autant. L’arrivée dans le nord du pays d’un nouveau sérotype de fièvre catarrhale ovine (FCO), ou maladie de la langue bleue, risque de faire des dégâts dans les troupeaux.

Trop d’eau

Côté céréales, ce sera « une des plus mauvaises récoltes depuis 40 ans », a tranché mercredi le président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, dans un entretien avec l’AFP.

Lui-même producteur de grandes cultures, il évoque une « année catastrophique », une « année noire ». Il demande au gouvernement, même démissionnaire, de se mettre au travail pour aider les agriculteurs à traverser cette mauvaise passe.

Le cabinet spécialisé Argus Media a estimé mardi que la récolte de blé tendre — la céréale la plus produite en France qui sert à faire du pain et des gâteaux — pourrait chuter au plus bas depuis 1983, à 25,17 millions de tonnes.

Plusieurs facteurs se sont cumulés.

Les pluies tombées abondement depuis l’automne dernier sur de larges pans du territoire ont d’une part empêché la bonne réalisation des semis : les surfaces consacrées au blé tendre ont reculé de près de 11 % sur un an, selon la précédente publication d’Agreste.

Puis l’excès d’eau et le manque d’ensoleillement ont plombé les rendements et la qualité des grains.

« Des miettes » de l’assurance

Cette moisson a été une « énorme galère jusqu’au bout », décrit à l’AFP Jean-Guillaume Hannequin, 45 ans, qui exploite 200 hectares dans la Meuse.

« J’ai fini la moisson à 3 h 30 du matin » la semaine dernière « et à 8 h » des trombes d’eau sont tombées. « Une vague s’est infiltrée dans la grange » abritant les grains à peine moissonnés et « évacués en urgence ».

L’épisode n’a heureusement pas amaigri davantage sa récolte, déjà inférieure de 30 % par rapport à la moyenne de la ferme, selon lui. Il s’attend à toucher « des miettes » de son assurance récolte car celle-ci ne se déclenche justement qu’à partir de 30 % de pertes « pour payer moins cher ».

Aussi président départemental de la FNSEA, il anticipe un trou de 100 000 euros dans ses revenus par rapport à un potentiel de moisson « entre 250 000 et 300 000 euros ».

Les cultivateurs ont connu auparavant plusieurs années porteuses sur le marché des céréales et graines à huile, dans le sillage notamment de la guerre en Ukraine — pays exportateur de premier plan dont l’invasion a fait exploser les cours.

Ils ne peuvent plus espérer compenser le déficit de volume par des prix de vente élevés : sur le marché européen, le blé tendre évolue autour de 220 euros la tonne depuis un mois car les récoltes sont globalement abondantes à l’échelle de la planète.

« Lot de consolation » pour Jean-Guillaume Hannequin, il voit ses vaches charolaises pâturer « heureuses ». « Cela faisait quinze ans qu’on leur donnait du foin ou de la paille l’été [car les prairies étaient grillées]. Là, il y a de l’herbe. Pour la carte postale, c’est pas mal. »

Gestion et stockage de l’eau : la tension monte en Europe

Des manifestations ont éclaté la semaine dernière dans l’ouest de la France contre l’installation de nouvelles méga-bassines, mais c’est tout le sud de l’Europe qui s’interroge sur les systèmes de gestion et de stockage des eaux, pour faire face au changement climatique.

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