Le patron de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) regrette que la France ne s’investisse pas suffisamment dans la constitution de la nouvelle Commission européenne et appelle le pouvoir politique à réinvestir le champ agricole à Bruxelles.
« La France n’est pas suffisamment présente à Bruxelles, dans la construction de la future Commission, dans le choix du nouveau commissaire [à l’Agriculture] », a regretté Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, lors de sa conférence de rentrée jeudi 29 août.
Le syndicat majoritaire français a d’abord appelé l’État à aider les agriculteurs de l’Hexagone, frappés cet été par de mauvaises récoltes de céréales — les pires depuis 40 ans —, et le développement de maladies affectant les éleveurs.
Alors que la France n’a toujours pas de gouvernement — le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau étant par ailleurs démissionnaire —, les patrons de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs ont remis une série de propositions à intégrer dans la loi d’orientation agricole (LOA), qui doit encore être soumise aux députés.
Mais ces crises conjoncturelles et structurelles, illustrées par les manifestations de l’hiver dernier, « se traitent essentiellement à Bruxelles », a insisté Arnaud Rousseau, qui regrette que les dossiers européens soient mis de côté par Paris depuis la fin des élections européennes.
« C’est un crève-cœur », a-t-il martelé.
Le prochain commissaire à l’Agriculture
La construction de la future Commission européenne et le rôle du prochain commissaire à l’Agriculture sont des sujets qui « devraient faire l’objet de discussion accrue en France », poursuit Arnaud Rousseau.
Le prochain commissaire à l’Agriculture et son périmètre d’action constituent un véritable « enjeu ». La FNSEA plaide par ailleurs pour que ce dernier soit également vice-président de la Commission européenne.
À l’heure actuelle, une personnalité sort du lot pour occuper le poste : le Luxembourgeois Christophe Hansen, le seul parmi les commissaires désignés ayant une expérience du monde agricole.
Ce membre du Parti populaire européen (PPE) de centre droit pourrait-il convenir à la FNSEA ? « Ce que nous souhaitons, c’est un homme ou une femme ‘trapus’, qui ait un fort pouvoir politique », explique Arnaud Rousseau à Euractiv, rechignant à prendre position.
Selon le syndicaliste, le choix du commissaire qui sera chargé de l’agriculture est d’autant plus important que, comme il l’avait rappelé lors d’une récente interview, la plupart des eurodéputés rompus aux questions agricoles n’ont pas été reconduits au Parlement européen.
Or, « à Bruxelles quand vous avez une expérience, cela aide à peser dans les décisions politiques ».
Bien qu’il se réjouisse de l’arrivée de Valérie Hayer (Renew) ou encore de Céline Imart (PPE), nouvellement investies à la commission de l’Agriculture et du développement rural au Parlement européen, leur tâche risque d’être plus ardue, confie-t-il.
Dialogue stratégique
Outre les questions de personnel politique, le patron de la FNSEA attend la Commission au tournant : « [La présidente de la Commission] Ursula von der Leyen n‘avait jamais parlé d’agriculture lors des premières années de son mandat, et tout à coup cela devient pour elle un sujet central. Je dis : chiche, allons-y ! »
Mais si le message a « été reçu cinq sur cinq » par l’exécutif, il faut maintenant une discussion sur le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture, la feuille de route présentée en janvier 2024 par la Commission européenne. « Il est en pleine gestation, on espère que le petit accouchera dans quelques jours », lance-t-il.
Deux dossiers seront particulièrement scrutés par la FNSEA en cette rentrée : la répartition de la chaîne de valeur, mais aussi le contrôle des importations des produits alimentaires.
« On n’est pas du tout au niveau sur ce qui rentre à l’intérieur des pays de l’Union », insiste Arnaud Rousseau. Il rappelle que, selon les spécialistes, seulement 3 % des produits alimentaires qui arrivent dans l’UE font l’objet de contrôles, et que 15 % d’entre eux ne sont pas conformes aux normes européennes.
Il faut donc agir là-dessus, « avant de parler d’accords commerciaux », insiste-t-il.
Bilan positif pour Marc Fesneau
Alors que l’actuel ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau devrait être remplacé lors de la constitution du nouveau gouvernement, le patron de la FNSEA reconnaît que ce dernier « s’est plutôt bien débrouillé à Bruxelles ».
« Il a réussi à modifier les BCAE [Bonnes conditions agricoles et environnementales, les conditionnalités de la Politique agricole commune], a eu de bons rapports avec les autres ministres comme [l’Espagnol] Luis Planas, avec une capacité à créer des contacts », pointe-t-il, le tout dans un contexte économique plus difficile qu’à l’époque de son prédécesseur Julien Denormandie.
Selon Arnaud Rousseau, le bilan s’avère plus mitigé sur les questions agricoles nationales, comme sur le stockage de l’eau.
Des préconisations pour le prochain ministre ? « J’ai seulement besoin que la France pèse à Bruxelles », répond-t-il.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]