La nouvelle PAC ambitionne de mieux rémunérer les agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques vertueuses pour l’environnement. Mais l’architecture de ces aides vertes n’est pas encore optimale.
En préservant une haie, une mare ou en abandonnant la monoculture, les agriculteurs ont un impact positif sur la qualité des sols et la préservation de la biodiversité.
Un rôle que la future Politique agricole commune (PAC) souhaite soutenir. « L’idée de rémunérer les agriculteurs pour ce qu’ils font pour l’environnement est très bonne », juge Joël Labbé, sénateur du Morbihan.
Cet objectif de la PAC pour 2021 est discuté en ce moment à Bruxelles. Les Paiements pour services environnementaux (PSE) existent déjà pour inciter les exploitants agricoles à adopter des comportements plus écologiques mais sont régulièrement critiqués par la profession pour le manque de lisibilité et d’incitation financière.
Un groupement d’organisations paysannes, citoyennes et environnementales, baptisé Plateforme pour une autre PAC, propose d’allouer 40 % du budget du premier pilier à ces PSE. La PAC comporte en effet deux piliers : le premier pour le soutien des revenus agricoles (70 % du budget de 400 milliards d’euros pour l’exercice actuel) et le second pour le développement rural.
Un changement pas suffisamment accompagné
« Le PSE sert à rémunérer le service rendu à la collectivité en préservant l’environnement, pas juste à compenser le coût de ce changement de techniques agricoles », fait remarquer Adrien Zakhartchouk, du ministère de l’Économie. Pour lui, le marché seul ne peut pas rémunérer les pratiques vertueuses et c’est donc aux pouvoirs publics d’intervenir.
Le constat est partagé par Claire Brennetot, conseillère spéciale au ministère de l’Agriculture. « Le risque pris par l’agriculteur en changeant de production n’est pas couvert complètement pour l’instant ». Ce qui freine de fait le basculement vers une agriculture plus responsable.
« Le prix à la consommation est aussi un moyen de rémunérer les services environnementaux », fait remarquer l’experte.
Mais le levier du prix n’est pas la bonne voie à explorer pour la plateforme, surtout en pleine revendication sur le pouvoir d’achat. Pour les organisations, le consommateur ne doit plus avoir à payer un produit trois fois, « à l’achat, en finançant la PAC puis les actions de dépollution des sols et des rivières ».
« Faites-en quelque chose d’ambitieux »
La position de la France dans les négociations autour de la nouvelle PAC est de sécuriser et faciliter les PSE. Si la conditionnalité des PSE (respecter un vrai cahier des charges pour l’obtenir) semble acquise, quelques frictions subsistent avec les voisins, notamment au sujet de l’eco-scheme.
Tel que présenté par la Commission européenne, ce nouveau dispositif devra comprendre des mesures ciblant l’environnement et l’adaptation au changement climatique propres à chaque pays. Les États auront l’obligation d’en élaborer un, mais pour les agriculteurs, son application sera seulement « optionnelle ».
Ce nouvel outil de programmation écologique sera géré par chaque État membre et suscite des angoisses. « Ma crainte est la nationalisation de la politique agricole, s’alarme Guillaume Cros, rapporteur du Comité des régions sur la PAC. On va se heurter à une concurrence entre territoires, il faut un cadre européen. » La PAC est souvent vue comme un bel exemple de cohésion inter-européenne.
Un appel entendu et soutenu par les producteurs sur le terrain. Dans le Gers (32), un département qui compte 1 600 agriculteurs bio, Sabine Bonnot, se désespère du manque d’ambition supposé des décideurs pour les pratiques bio. « On a besoin de grandes avancées tout de suite, il ne faut pas attendre les scandales sanitaires pour bouger. L’Europe c’est beau, donc faites-en quelque chose d’ambitieux », lance l’exploitante en référence aux récentes naissances de bébés sans bras. Les pesticides sont soupçonnés d’être à l’origine du problème.