La majeure partie des 500.000 tonnes de viande bovine que l’UE importe chaque année provient de pays où le clonage est autorisé. Pour le Parlement, le risque de voir des descendants d’animaux clonés finir sur les tables européennes est inacceptable.
Le Parlement européen a confirmé le 8 septembreson opposition stricte à la production et l’importation de denrées alimentaires issues des clones ou de leurs descendants.
Adopté à une très large majorité (529 voix pour et 120 contre), le rapport de l’eurodéputée italienne Giuila Moi (EFDD) et de l’Allemande Renate Sommer prend le contrepied de la proposition législative de la Commission, et annonce des négociations de haute voltige entre les institutions.
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Invoquant le bien-être animal, les incertitudes scientifiques liées à la consommation de ces produits ainsi que la très large opposition des consommateurs européens, les élus européens ne comptent pas céder de terrain face à Bruxelles.
« Choc frontal »
« Il s’agit d’un choc frontal entre la Commission et le Parlement. Comment allons-nous sortir de cette confrontation, alors que la Commission n’a rien fait pour sortir de l’impasse depuis l’échec de 2011 ? » s’est inquiétée l’eurodéputée belge Frédérique Ries (ALDE) lors du débat.
Après une première tentative ratée de révision en mars 2011, le projet de loi sur les nouveaux aliments présenté par la Commission constitue le second essai de révision de la législation européenne sur les nouveaux aliments, qui date de 1997, soit l’année suivant le clonage réussi de la brebis Dolly.
Cette fois aussi, les désaccords entre les deux institutions semblent difficilement surmontables.
Blocage institutionnel ?
En effet, si les parlementaires européens se sont largement opposés à ce que la viande, le lait ou les œufs issus de descendants d’animaux clonés soient commercialisés en Europe, la Commission européenne reste partisane d’une approche plus souple.
Dans sa proposition, l’exécutif européen s’est cantonné à une interdiction de la consommation et de l’importation d’animaux issus du clonage et des produits alimentaires dérivés de ces animaux clonés, ce qui laissait le champ libre à la commercialisation d’aliments issus des descendants de ces clones. Une possibilité rejetée par les élus européens.
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Autre désaccord, le texte initial ne prévoit pas de traçabilité des produits provenant des pays tiers, alors que les eurodéputés la réclamaient.
« Il faut mettre en place des certificats d’importation garantissant que les animaux importés ne sont pas des animaux clonés ou des descendants de clones », a martelé l’eurodéputé roumain Daniel Buda (PPE.)
Une demande rejetée par le commissaire à la Santé, Vytenis Andriukaitis. « La traçabilité serait un fardeau supplémentaire qui ferait augmenter le prix des denrées alimentaires », a-t-il affirmé.
Question des traités commerciaux
Pour certains élus, les réticences de la Commission européenne proviendraient surtout du contexte commercial international, qui rend délicate l’interdiction pure et simple de l’importation de ces aliments issus des clonages, autorisés dans de nombreux pays tiers tels que les États-Unis ou le Brésil.
« Vous en tant que Commission vous avez peur que des pays tiers ne nous trainent devant l’Organisation mondiale du commerce » a dénoncé la rapporteure allemande Renate Sommer (PPE), appelant la commission à renoncer à sa position « butée ».
Levier d’influence
Autre levier d’influence, les négociations commerciales en cours avec les États-Unis. Pour certains eurodéputés, ces négociations pousseraient Bruxelles à ne pas se montrer trop radicale sur la question de l’importation.
« Certains ont mentionné le TTIP : le partenariat transatlantique n’a rien à voir avec les propositions que la Commission a fait sur le clonage ! » s’est défendu le commissaire européen.
«Chaque année sont importées entre 300.000 et 500.000 tonnes de viande bovine destinée à la consommation » a rappelé l’eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella, dont « la majeure partie […] proviennent des États-Unis et d’Argentine, du Brésil ou d’Australie, pays qui, eux, ont autorisé le clonage à des fins commerciales ».
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Une situation que le texte adopté par le Parlement souhaite encadrer, en réclamant la mise en place de mesures afin que les accords commerciaux mentionnent l’interdiction d’importation de la viande provenant d’animaux clonés ou de leurs descendants
Le large consensus sur la question du clonage au Parlement européen laisse augurer des négociations compliquées avec la Commission et le Conseil. Un bras de fer dans lequel la position des États membres sera déterminante pour conclure un accord.
« Il est temps que chaque état membre explique sa position aux citoyens sur la question du clonage » a prévenu Renate Sommer (PPE).