Dans la foulée du scandale du glyphosate, le Parlement a créé une commission spéciale chargée d’évaluer les procédures d’autorisation des pesticides en Europe.
Les eurodéputés ont décidé de créer une commission parlementaire spécialement dédiée à l’évaluation des pesticides par les agences européennes, dont la crédibilité a largement été remise en question par « Monsanto papers ».
« Je considère que s’il y a un doute qui a été exprimé, non seulement par certains de mes collègues, mais aussi par des citoyens européens, nous devons, en tant que colégislateur, lever ces doutes », estime Angélique Delahaye (Les Républicains), qui a été désignée le 8 février comme coordinatrice PPE de la commission spéciale.
La présidence de la commission devrait quant-à-elle revenir à un élu socialiste, selon l’accord passé entre les différents groupes politiques.
Monsanto, l’entreprise qui commercialise le désherbant le plus vendu au monde, le RoundUp, est ainsi accusée par ses détracteurs d’avoir influencé les agences européennes chargées de l’évaluation de la sécurité des substances, l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) et l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), voire d’avoir faussé des études. La controverse sur la réautorisation de ce pesticide a déchaîné les passions en Europe.
Angélique Delahaye a cependant mis-en-garde, à titre personnel, sur une interdiction du glyphosate qui pourrait rendre service à Monsanto. En effet, le désherbant appartient aujourd’hui au domaine public, ce qui signifie que toutes les entreprises peuvent commercialiser des produits au glyphosate et que la concurrence garde les prix bas. Si cette substance est interdite, « les grandes firmes trouveront des substituts au glyphosate, mais ces substituts ne seront pas dans le domaine public, ils seront brevetés et les utilisateurs paieront le prix fort », estime-t-elle.
« Nous nous félicitons de la création de la commission et espérons que ses conclusions montreront à quel point le processus d’approbation des pesticides est rigoureux et sévère et apporteront l’objectivité nécessaire à ce débat devenu très chargé d’émotion », a pour sa part déclaré Graeme Taylor, porte-parole de l’association d’industrie ECPA, qui regrette que le débat sur le glyphosate ait été alimenté par « la peur et les rumeurs ». « Nous sommes prêts à coopérer pleinement avec la commission et attendons avec impatience de recevoir une invitation à présenter le point de vue de l’industrie dans le cadre de ses délibérations. »
Un mandat non centré sur le glyphosate
La Commission spéciale, qui comptera 30 membres, ne se concentrera cependant pas uniquement sur le glyphosate. Ce dernier servira néanmoins d’exemple pour l’examen des processus d’évaluation des agences européennes. Son mandat défini lors d’un vote le 7 février, sera de se pencher sur, la procédure d’autorisation de l’UE pour les pesticides et le rôle joué par Bruxelles, les possibles défaillances dans la façon dont les substances sont évaluées et autorisées scientifiquement, les possibles conflits d’intérêt et le rôle des agences de l’UE.
Le mandat s’étendra sur neuf mois à dater de sa première réunion. À la fin de ces neuf mois, la Commission présentera ses conclusions et recommandations dans un rapport qui fera l’objet d’un vote en séance plénière.
Au Parlement européen, certains auraient préféré l’établissement d’une commission d’enquête, qui aurait eu davantage de pouvoirs. « Ne négligeons pas notre plaisir, c’est important d’avoir une commission, qu’elle soit spéciale ou d’enquête », estime pour sa part Marc Tarabella, du S&D (PS belge). Il estime essentiel de se pencher davantage sur l’accréditation des pesticides, afin de clarifier et d’améliorer le processus décisionnel à l’avenir.
Pour Kathleen Van Brempt, vice-présidente du S&D, il est important de faire toute la lumière sur la possible ingérence de Monsanto dans le dossier glyphosate, mais cela ne suffit pas. « Car si la procédure d’autorisation des pesticides présente des lacunes, nous voulons pouvoir les combler. Il s’agit de s’assurer que la santé passe toujours avant les intérêts économiques des grandes entreprises. En effet, les procédures d’autorisation et de renouvellement doivent se fonder sur des recherches scientifiques objectives et indépendantes, effectuées de préférence par des institutions. »