Le commissaire à l’agriculture Phil Hogan a présenté ce 1er juin les propositions de Bruxelles pour revoir la politique agricole commune (PAC) après 2020, faisant fi des objectifs environnementaux et climatiques. Un article de notre partenaire, le Journal de l’environnement.
L’enveloppe de la PAC fond. Réduite de 5 %, en euros constants, elle représentera 365 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Soit 28,5 % du budget de l’exécutif, contre 37,6 % actuellement.
Comme d’habitude, la France hérite de la plus grosse part du gâteau, avec 62,3 Md€ pour la période. Soit 8,9 Md€, se décomposant en 7,1 Md€ par an au titre du premier pilier (en baisse de 3,9%), 1,2 Md€ au titre du deuxième pilier et 600 M€ d’aides de marché.
Nationalisation
Premier des quatre principaux objectifs visés par la nouvelle PAC, Bruxelles veut « moderniser le système de gouvernance », « pour y introduire le concept de performance et ajouter beaucoup plus de subsidiarité ». Comprendre : les États membres auront une plus grande marge de manœuvre pour choisir les affectations des fonds. Ils pourront notamment transférer jusqu’à 15 % de leurs dotations en provenance de la PAC entre les paiements directs et le développement rural.
En contrepartie, chaque État membre devra présenter un plan stratégique sur la PAC qui devra être validé par la Commission dans les huit mois, au regard de neuf cibles : préservation de la biodiversité, qualité de l’eau, de l’alimentation et de la santé, etc. Cette feuille de route sera complétée par un plan de performance annuel. Et si les objectifs ne sont pas remplis ? « La Commission réalisera une évaluation globale au bout de trois ou quatre ans, qui donnera lieu à de possibles bonus ou réductions financières à partir de 2026 », explique un représentant de la Direction générale de l’agriculture et du développement durable.
Tentative de réorientation des aides
Deux nouveaux plafonds ont été créés pour réduire les aides aux grandes surfaces, dont l’agriculture n’est pas l’activité première, comme les aéroports ou les terrains détenus par des fonds financiers. Au-delà de 60 000 € par exploitation, les paiements seront réduits. Par ailleurs, ceux-ci ne pourront plus dépasser 100 000 €. Une mesure symbolique puisqu’ils touchent 0,3 % des exploitations seulement.
Les petites et moyennes fermes ne bénéficieront d’un meilleur soutien par hectare qu’en fonction de la bonne volonté des États membres.
Exit le verdissement
Parent pauvre de la PAC, les ambitions environnementales et climatiques sont cantonnées au registre des bonnes intentions des États membres : « Les paiements directs seront subordonnés à des exigences accrues en matière d’environnement et de climat », affirme la Commission. Seules contraintes : 30 % des aides du deuxième pilier doivent rejoindre la protection de l’environnement et du climat, sans précision sur le dispositif. Au total, 40 % du budget européen de la PAC doit par ailleurs contribuer à l’action climatique.
Les États membres ont, sur ce point aussi, une plus grande marge de manœuvre. Ils pourront transférer 15 % supplémentaires entre les deux piliers pour couvrir des dépenses en faveur de l’environnement et du climat (sans cofinancement national). Ce qui ne garantit pas le déploiement des mesures environnementales, alors que Bruxelles reconnaît à demi-mot l’échec du verdissement lancé en 2013.
« Cette proposition est catastrophique en l’état », a réagi Greenpeace dans un communiqué. « Elle laisse aux gouvernements la responsabilité de définir des plans nationaux pour l’agriculture, sans aucune garantie que ces plans protègeront l’environnement, la santé publique et le climat. (…) Cette proposition place une fois encore les agriculteurs dans une position d’assistanat face aux subventions publiques sans leur donner les moyens d’une réelle transition, pourtant cruciale et urgente », ajoute Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture de l’ONG.
10 milliards d’euros pour la recherche
Quatrième et dernier objectif majeur, l’amélioration de la connaissance agricole se voit dotée d’un budget de 10 Md€ issus du programme Horizon Europe. Objectif : financer les programmes de recherche liés à l’alimentation, l’agriculture, le développement rural et la bio-économie.
Bruxelles espère qu’un accord sera trouvé au plus tard au printemps 2019, avant l’élection du nouveau Parlement en mai 2019 et l’arrivée de la nouvelle Commission pendant l’été. Si les délais sont tenus, le texte entrera en vigueur le 1er janvier 2021.