Les arbitrages du ministre de l’Agriculture en vue de la future PAC sèment la controverse

La consolidation est le "maître mot" des arbitrages pour l'avenir de la PAC en France présentés par le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie vendredi (21 mai). [Yoan Valat/epa]

Avec sa déclinaison nationale de la prochaine Politique agricole commune, Julien Denormandie fait le choix de la consolidation. « Soulagement » pour les syndicalistes, l’annonce du ministre est sous le feu des critiques pour son manque d’ambition en matière sociale et environnementale.

Promouvoir une agriculture de production et de qualité : cet objectif sera au cœur du Plan Stratégique National (PNS, la déclinaison nationale de la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027) de la France. Très attendus depuis des semaines, les arbitrages présentés par Julien Denormandie vendredi dernier (21 mai) attestent de la volonté du ministre de maintenir la PAC dans la continuité – au grand dam des partisans d’une véritable transition écologique.

Pas de revirement majeur, donc : la consolidation aura été choisi comme « maître mot » par M. Denormandie. Ce sera notamment le cas du premier pilier de la PAC (les paiements directs aux agriculteurs) et des paiements redistributifs qui seront maintenus à leur niveau actuel pour soutenir la compétitivité de l’agriculture française et consolider les aides au revenu agricole, selon un dossier de presse du ministère publié vendredi.

Autres choix majeurs : l’augmentation des aides à la filière des protéines végétales et la mise en place d’un nouveau mécanisme d’aide à la filière d’élevage bovin. Le but affiché par le ministre : sortir des « dépendances » en construisant la « souveraineté » de la France en protéines végétales et en soutenant la « structuration » de l’élevage bovin, secteur « stratégique pour notre pays », selon M. Denormandie.

La réforme de la PAC, "une nouvelle chance" pour les petites et moyennes exploitations agricoles

Coup d’envoi du super trilogue cette semaine pour tenter de sceller un accord sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) post-2020. À cette occasion, EURACTIV s’est entretenu avec le commissaire à l’agriculture Janusz Wojciechowski.

Le ministre souhaite également mettre en place une « PAC qui investit dans l’agriculture de demain » en soutenant davantage les jeunes agriculteurs : les paiements d’aide à l’installation seront ainsi doublés, a annoncé le ministre.

Enfin, en termes de transition agroécologique, M. Denormandie a exprimé sa volonté d’accompagner « pleinement l’ensemble des agriculteurs ». Le dispositif des éco-régimes, ces paiements directs censés récompenser des engagements verts, devra ainsi être « simple » et « accessible à tous ». En termes d’agriculture biologique, le budget de la future PAC doit soutenir la conversion des exploitations pour atteindre 18 % des surfaces agricoles d’ici 2027 – une programmation jugée « ambitieuse mais atteignable » par le ministère.

Les syndicalistes saluent des choix « satisfaisants »

Du côté des syndicalistes, on salue les annonces du ministre. La Coordination Rurale se dit ainsi « soulagée » des choix de M. Denormandie, globalement jugés « satisfaisants ». Les décisions ministérielles permettraient de stabiliser les revenus agricoles – une des premières demandes des syndicats agricoles ces derniers mois et qui aura suscité de nombreuses manifestations à travers le pays.

Les Jeunes Agriculteurs saluent pour leur part la « réponse notable » apportée au défi du renouvellement générationnel. Si les Jeunes Agriculteurs, tout comme la FNSEA, regrettent un manque d’ambition en matière de gestions des risques face au changement climatique, les arbitrages de M. Denormandie sont pour eux « pertinents » pour reconquérir la souveraineté alimentaire française – objectif vivement défendu par les syndicalistes comme par de nombreux personnages politiques.

Avenir de la PAC : le soutien au revenu agricole, entre "besoin réel" et "statu quo" dépassé

Les négociations sur la future PAC doivent se conclure la semaine prochaine. Alors que l’introduction d’éco-régimes aura sans doute un impact important sur les revenus agricoles, la question de la redistribution des aides continue à faire débat en France.

Statu quo « irresponsable » et « caricature anti-environnementale »

Mais si le choix de la continuité réjouit les uns, il est vivement critiqué des autres. La plateforme Pour une autre PAC regrette ainsi le maintien d’un statu quo « irresponsable ». Transition agroécologique, revenus décents, souveraineté alimentaire : « aucun des défis de la décennie ne sera relevé » avec la PAC telle que la définit le ministre pour la France, fustige l’association.

La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) dénonce, elle, une « caricature anti-environnementale » de la part du gouvernement. « La nouvelle PAC va nous laisser à poil », fustige la fédération sur Twitter. Car selon les annonces du ministre, les aides à l’agriculture biologique seront attribuées au même titre que les aides à la HVE (haute valeur environnementale) – alors même que cette dernière est critiquée pour son manque d’ambition en matière environnementale, comme l’aura révélé Le Monde ce mardi 25 mai. L’arbitrage du ministre de l’Agriculture « est une insulte aux agriculteurs et agricultrices bio », soutient ainsi Loïc Madeline, secrétaire national chargée de la PAC à la FNAB.

Les annonces du ministre auront précédé des négociations cruciales sur l’avenir de la PAC au niveau européen : Commission, Parlement et Conseil européens discutent cette semaine de nombreux dossiers toujours sur la table, dont notamment l’architecture verte de la future PAC ou encore les relations commerciales. Dossier à suivre – en direct.

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