Dans un nouvel effort pour réduire les formalités administratives imposées aux agriculteurs, au moins 17 ministres de l’Agriculture de l’Union européenne (UE), menés par la Pologne, appellent à retarder les nouvelles obligations de suivi électronique de l’utilisation des pesticides, une mesure visant à améliorer la collecte de données sur les produits phytopharmaceutiques au sein de l’UE.
Le règlement exige que les agriculteurs tiennent des registres électroniques de l’utilisation des pesticides à compter de janvier 2026, ce qui permettra aux États membres de transmettre les données à Eurostat, l’agence des statistiques de l’UE. Ces obligations ont été convenues dans le cadre de la révision de 2022 du règlement relatif aux statistiques sur les intrants et les produits agricoles (SAIO).
Au cours des négociations sur le SAIO, les États membres ont fait pression pour que la collecte de données commence en 2035 et ait lieu tous les cinq ans, tandis que le Parlement européen a quant à lui fait pression pour une collecte de données plus précoce et plus régulière.
« Nous avons assisté à de grandes manifestations d’agriculteurs contre les formalités administratives », a déclaré le ministre polonais de l’Agriculture, Czesław Adam Siekierski, lors du Conseil de l’Agriculture et de la Pêche (AGRIFISH) lundi 23 septembre. Il a également souligné que la mise en œuvre des nouveaux outils électroniques s’avérait plus complexe que prévu.
« Les agriculteurs doivent être correctement informés et formés, sans quoi les données seront inégales, incomplètes et inutiles », a-t-il ajouté, appelant à un report jusqu’en janvier 2028.
La position polonaise a été explicitement soutenue par la Lituanie, le Luxembourg, la Slovénie, le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Bulgarie, Chypre, Malte, la Slovaquie, la Croatie, la Roumanie, l’Irlande, l’Autriche et les Pays-Bas.
« Nous pensons qu’il [le règlement] est trop ambitieux en termes de contenu et de calendrier de mise en œuvre, et c’est pourquoi nous avons voté contre à l’époque », a indiqué l’ambassadeur adjoint de l’Espagne auprès de l’UE, Oriol Escalas.
La délégation estonienne a précisé qu’elle ne s’opposerait pas à la proposition de la Pologne, mais qu’elle poursuivrait les préparatifs en vue de respecter l’échéance initiale de 2026.
Le Danemark a été le seul pays à s’opposer explicitement au report du règlement. Le ministre de l’Agriculture danois, Jacob Jensen, a insisté sur le fait que les États membres disposaient de suffisamment de temps pour se préparer à la mise en œuvre. « Nous considérons cette exigence comme une étape importante dans le contrôle de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et pour garantir des conditions de concurrence équitables », a-t-il déclaré.
Les régulateurs dans l’ignorance
L’UE manque de données claires sur l’utilisation des pesticides en fonction des cultures et des régions, car les données sur les produits phytosanitaires sont très incomplètes. Actuellement, les statistiques ne reposent que sur les ventes de produits phytosanitaires dans les États membres, ce qui signifie que les politiques de réduction des pesticides ne sont pas fondées sur des données concrètes.
La Commission européenne a mis en évidence ce problème dans sa deuxième analyse d’impact sur le règlement sur l’utilisation durable de produits phytopharmaceutiques (SUR), rejeté par le Parlement en 2023. « Étant donné le manque de données empiriques sur l’utilisation des pesticides, les études d’impact publiées ont utilisé des hypothèses générales de baisse de rendement », a écrit la Commission.
Martin Dermine, directeur de l’ONG PAN Europe, explique à Euractiv que le report de la collecte obligatoire de données laisserait les régulateurs « dans l’ignorance » pendant encore deux ans. « Il est très important de mettre en œuvre cette obligation à compter de 2026 afin d’identifier où des efforts sont nécessaires pour réduire l’utilisation des pesticides », affirme-t-il.
Le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, qui prône souvent la réduction des formalités administratives dans la mesure du possible, n’a pas semblé convaincu par la proposition de la Pologne.
« Le report de l’enregistrement électronique des données, comme le suggère la Pologne, mettrait en péril la capacité des États membres à remplir leurs obligations dans le cadre du nouveau règlement », a soutenu le commissaire face aux ministres.
[Édité par Anna Martino]