Deux organisations demandent à la Commission européenne de modifier sa définition des perturbateurs endocriniens, pour qu’elle ne soit pas cantonnée aux pesticides.
Une nouvelle étude du centre pour le droit environnemental international (CIEL) et de ClientEarth en remet une couche sur les perturbateurs endocriniens. Le rapport assure que la définition ne devrait pas se limiter aux produits contenus dans les pesticides et biocides, mais également prendre en compte d’autres substances, comme le bisphénol A, utilisé dans certains plastiques.
Pour les experts, la seule manière de s’assurer que les perturbateurs endocriniens ne contaminent pas la nourriture, l’eau, les jouets et les produits ménagers est d’établir un système unique d’identification de ces substances.
En juin 2016, après de nombreuses hésitations, l’exécutif européen avait présenté une série de critères d’identification des substances perturbant les fonctions endocriniennes.
En décembre, le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, composé de représentants des États membres, s’est réuni pour voter sur les critères de définition proposés par la Commission. Aucun compromis n’a toutefois pu être trouvé entre les spécialistes nationaux, étant donné les grandes divergences d’opinions entre les États membres à ce sujet.
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Les deux ONG se réfèrent au septième programme d’action pour l’environnement et estiment que la Commission a eu tort de vouloir poser des critères scientifiques exclusivement réservés aux composants des pesticides et biocides, étant donné que les perturbateurs endocriniens sont présents dans tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens.
« Les perturbateurs endocriniens, aussi appelés ‘leurre hormonal’ se trouvent dans toute une série d’autres produits. Ils contaminent l’eau que nous buvons, les jouets avec lesquels jouent nos enfants et les savons utilisés tous les jours », souligne le rapport.
Le CIEL et ClientEarth appellent donc l’exécutif européen à modifier sa proposition de critères, afin que la définition de ces substances dangereuses s’applique à toute la législation européenne, quel que soit le secteur.
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Critères transversaux
Les ONG insistent sur la mise en place d’une approche transversale, qui englobe REACH, le règlement d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques, mais aussi les restrictions applicables à ces substances, les règles sur les cosmétiques, la directive-cadre sur l’eau, la directive sur les jouets, les règlements sur les dispositifs médicaux et le règlement concernant les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.
Ces réglementations comprennent déjà des mesures limitant l’utilisation des perturbateurs endocriniens, mais ne fournissent pas encore de critère d’identification.
L’enquête fait remarquer que dans certains textes législatifs, comme le REACH, les perturbateurs endocriniens entrent dans la catégorie des « substances extrêmement préoccupantes », réglementées au cas par cas. Parfois, les perturbateurs endocriniens sont mentionnés dans les textes, sans que leur utilisation soit réglementée. C’est le cas du règlement sur les cosmétiques ou de la directive-cadre sur l’eau.
« La Commission devrait se remettre en question et définir réellement des critères d’identification des produits ayant des propriétés hormono-mimétiques. Ces critères doivent être cohérents avec les textes législatifs existants et protéger réellement les citoyens dans leur vie quotidienne », estime Vito Buonsante, avocat chez ClientEarth.
« Les critères européens pour identifier les perturbateurs endocriniens seront les premiers à être définis dans le monde. Ils créent donc un précédent », explique Giulia Carlini, avocate et coauteure de l’étude. « La Commission doit repenser ses critères pour l’identification de ces substances dangereuses, où qu’elles soient. Si elle refuse d’abandonner son approche restrictive, le Parlement européen et le Conseil doivent opposer leur véto à la proposition actuelle, dans l’intérêt des citoyens et de l’environnement. »
Proposition problématique
L’étude qualifie la proposition de la Commission de « problématique » et estime qu’elle pourrait retarder encore davantage l’identification précise des perturbateurs endocriniens.
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« Tant qu’il n’existe pas de critères transversaux, comme stipulé dans le septième programme d’action pour l’environnement, les perturbateurs endocriniens ne peuvent être réglementés par aucun autre texte. [La proposition] retardera également l’application de la réglementation REACH à toutes les substances ayant des propriétés hormono-mimétiques, ainsi que l’inclusion de ces substances à la liste candidate REACH. »
Les organisations craignent en outre un affaiblissement du niveau de protection des citoyens, lié à une mauvaise adaptation des critères conçus pour les pesticides et biocides aux autres cadres réglementaires.
Le rapport a été soutenu par des eurodéputés de cinq groupes politiques : Younous Omarjee, du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, Peirnicola Pedicini (Europe de la liberté et de la démocratie directe) Sirpa Pietikäinen (Parti populaire européen), Pavel Poc (Socialistes et Démocrates) et Michèle Rivasi (Verts).
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