Une proposition du commissaire de l'UE en charge du commerce visant à ouvrir provisoirement le marché européen du textile au Pakistan, pays dévasté par les inondations, a été dénoncé par d'autres commissaires qui la qualifient d'aide déguisée et de menace à l'industrie du textile.
Lors d'une rencontre du collège des commissaires de l'UE mardi (7 septembre), M. De Gucht a proposé de suspendre provisoirement les frais de douane […] pour un nombre limité de produits pour lesquels le Pakistan serait le principal bénéficiaire, d'après une note obtenue par EURACTIV.
La mesure proposée aurait une échéance précise, limitée, ciblée et rapidement mise en place, selon la note, qui vise à rassembler du soutien de la part du collège en amont d'une rencontre des ministres du Commerce à Bruxelles les 10 et 11 septembre.
Cette mesure a été présentée comme un soutien supplémentaire pour le Pakistan frappé par les inondations, en plus de l'aide humanitaire de l'UE qui vaut déjà plus de 200 millions d'euros, d'après les chiffres de la Commission européenne.
Une aubaine pour l'Inde et la Chine
La liste limitée comprend 13 produits textiles et d’habillement qui valent 231 millions d'euros dans les exportations pakistanaises, d'après les estimations de la Commission. Ils sont principalement fabriqués avec du coton et des fibres synthétiques.
L'offre européenne serait autonome, ce qui signifie que les produits de l'UE ne bénéficieraient pas d'une suspension réciproque des frais de douane lorsqu'ils exportent vers le Pakistan.
Toutefois, l'impact économique de l'offre de se limiterait pas aux produits venant du Pakistan, mais couvrirait également des produits en provenance d'autres pays, notamment l'Inde et la Chine. Ce sont les conséquences de la clause NPF (Nation la Plus Favorisée), a expliqué M. De Gucht, qui exige l'application des mêmes conditions pour tous les partenaires commerciaux en conformité avec les règles de l'OMC.
L'Inde et la Chine pourraient alors exporter les textiles qui sont sur la liste vers l'UE sans s'acquitter de frais de douane.
De nombreux commissaires s'opposent à la proposition
Le projet de M. De Gucht a suscité des critiques de la part d'autres commissaires lors de la rencontre de la Commission mardi, certains collègues l'accusant d'essayer de déguiser un accord commercial derrière des motifs d'aide humanitaire.
M. De Gucht a rejeté ces accusations. Nous proposons des solutions. Rien n'a encore été décidé, a confié son porte-parole, John Clancy, à EURACTIV.
Le commissaire à l'emploi László Andor a selon certaines informations fait part de ses craintes concernant le possible impact négatif sur l'emploi, et le commissaire à l'industrie Antonio Tajani a évoqué les conséquences sur l'industrie textile, qui est déjà affectée par une forte concurrence avec les pays asiatiques.
Le commissaire à l'élargissement et la politique de voisinage Stefan Füle a fait remarqué que la Turquie, le Maroc et la Tunisie souffriraient probablement de cet accord.
La commissaire chargée de l'aide humanitaire et de la réaction aux crises Kristalina Georgieva et le commissaire au développement Andris Piebalgs ont insisté sur l'importance de l'utilisation de l'aide traditionnelle pour soutenir le Pakistan dévasté par les inondations plutôt que des mesures commerciales, qui ne bénéficieront peut-être pas aux personnes frappées par la catastrophe.
On s'attend également à ce que la Pologne, l'Italie, le Portugal, La France, l'Allemagne et la Belgique s'y opposent, la production des produits de la liste étant concentrée dans des pays.
M. De Gucht reconnaît que ses propositions auront un impact négatif sur la production de l'UE à hauteur d'environ 23 millions d'euros dans le pire des scénarios.
M. De Gucht estime que ses propositions pourraient avoir un impact négatif de 23 millions d’euros sur la production de l’UE, dans le pire des cas.
Euratex, l’organisation européenne de l’habillement et du textile, a critiqué le projet de M. De Gucht, soulignant qu'il ne favoriserait pas seulement les exportations du Pakistan vers l'Europe, mais également celles de l'Inde et de la Chine, avec le risque de compromette l'industrie européenne du coton au moment où les prix mondiaux du coton s'envolent.
M. De Gucht a été récemment forcé à s'excuser pour ses commentaires négatifs sur les Juifs lors d'un entretien récent avec une radio flamande (EURACTIV 06/09/10).