Une étude menée sur le TTIP par le ministère allemand du Développement affirme que l’accord commercial profitera aux pays pauvres. Une hypothèse jugée « irréaliste » par l’ONG Foodwatch. Un article d’EURACTIV Allemagne.
Le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) présente des opportunités de croissance inattendues pour les pays en développement, affirme une étude menée par l’Institut IFO pour le ministère allemand du Développement.
Des conclusions avec lesquelles l’ONG de défense des droits des consommateurs Foodwatch est en désaccord. « L’étude est basée sur des hypothèses utopiques et irréalistes. Sous sa forme actuelle, le TTIP est et reste un programme de paupérisation pour les pays en développement. Quiconque affirme le contraire fait circuler des informations biaisées », assure Martin Rücker, porte-parole de Foodwatch à EURACTIV Allemagne.
L’étude de l’IFO contredit les détracteurs du TTIP, qui estiment que le partenariat poussera les petits exploitants du sud dans plus de pauvreté encore. De par sa taille même, l’accord de libre-échange transatlantique pourrait balayer toutes les chances de réussite des compétiteurs économiques des pays tiers.
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L’étude indique au contraire qu’il y aurait des « effets de débordement » relatifs. L’augmentation de la croissance dans l’UE et les États-Unis entrainerait une hausse de la demande de biens et services produits dans les pays en développement et les nouveaux pays industrialisés, selon ses auteurs.
« Avec cette étude, nous donnons le feu vert. Les effets [du TTIP] sur les pays en développement et nouvellement industrialisés sont relativement inoffensifs », a déclaré Gabriel Felbermayr, analyste de l’institut, lors de la présentation de l’étude, à la fin du mois de janvier.
Cependant, pour qu’il puisse produire ses « effets de débordement », les négociateurs du TTIP devraient faire des ajustements très précis, explique-t-il. Les États-Unis et l’UE devraient par exemple s’assurer que certains droits de douane soient supprimés pour les pays tiers et que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) soit réformée, entre autres.
« La plupart de ces recommandations sont irréalistes, et elles ne sont pas du tout au programme des négociateurs. Les pays tiers n’ont en outre aucune influence sur ces sujets. Avec ce rapport, toute une série d’allégations utopiques voudrait effacer les conséquences négatives prévues. C’est de la mystification », martèle Martin Rücker.
Jusqu’ici, l’inclusion des pays en développement à la table des négociations n’est pas du tout comprise dans le mandat du TTIP. Une réalité d’ailleurs mentionnée dans l’étude de l’IFO, où l’on peut lire que « la compatibilité des politiques de développement n’est pas explicitement prévue dans les objectifs de l’accord ».
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L’ONG Foodwatch attaque également les méthodes utilisées par l’étude. Les auteurs de l’étude ont évalué d’autres travaux déjà publiés sur le sujet et mené des entretiens avec divers spécialistes.
Lors de ces entretiens, les hommes d’affaires – potentiels gagnants de l’accord de libre-échange – défendent la position que les effets négatifs du TTIP ne sont « pas conséquents ».
Malgré le fait que ces messages ne sont pas basés sur des calculs précis, ils indiquent bien le message global de l’étude, assure Martin Rücker.
Redorer le blason du TTIP
« Apparemment, le gouvernement allemand espère que cette étude permettra de redorer l’image du TTIP, actuellement négative », indique le porte-parole, se référant à d’autres études parues, qui décrivent le TTIP de manière bien plus sceptique. C’était le cas d’une analyse commanditée par la Fondation Bertelsmann en 2013.
Cette analyse, également réalisée par l’Institut IFO, sous la houlette de Gabriel Felbermayr, mettait en garde contre des pertes « catastrophiques » pour les pays en développement et avait déterminé que les habitants de pays comme la Guinée ou le Botswana pourraient voir leur revenu réel chuter de respectivement 7,4 % et 4,1 %.
Foodwatch appelle le gouvernement allemand et la Commission européenne à cesser les négociations avec les États-Unis. « Nous ne sommes pas fondamentalement opposés au libre-échange, mais les accords auxquels sont parvenus les négociateurs jusqu’ici rendent le TTIP injuste à bien des niveaux. Nous devons tout recommencer », estime Martin Rücker.
La Commission européenne est cependant loin de vouloir arrêter le processus. Marc Vanheukelen, directeur de la DG Commerce, estime que l’accord entrainera une augmentation des richesses dans les pays en développement et récemment industrialisés. « Grâce au TTIP, les produits ne devront en général se conformer qu’à une norme. Cela simplifiera la vie des commerçants qui exportent leurs produits sur le marché transatlantique. Nous pourrions éliminer jusqu’à 50 % des obstacles non-commerciaux, une vraie manne pour les producteurs des pays tiers », s’enorgueillit Mar Vanheukelen.
Gerd Müller, ministre allemand du Développement, est convaincu des opportunités que l’accord de libre-échange est censé créer. « Le TTIP offre une occasion unique de structurer la mondialisation d’une façon plus juste. Nous voulons instaurer des normes écologiques et économiques minimums pour le monde entier », a-t-il déclaré.
L’étude de l’IFO est une « base indépendante sur laquelle appuyer des discussions », qui contribuera à l’objectivité du débat, estime le ministre du Développement.
Les membres de Foodwatch doutent pourtant de la véracité de ces déclarations. Dans un document de position, l’ONG écrit que « ce gouvernement fédéral qui se plaignait du manque de transparence des négociations du TTIP ferme les yeux sur les conséquences de l’accord dans les pays en développement et prétend aujourd’hui qu’il n’y a aucun problème, sur la base d’une étude aux fondements plus qu’incertains ».
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