Exclusif. Le gouvernement français prévoit d’interrompre le soutien au charbon dans les pays en développement-à terme. Au niveau européen, la Commission affiche une ambition limitée, selon un document obtenu par EURACTIV.
L’interruption de tout soutien français au charbon devra attendre encore un peu. La suspension définitive des crédits à l’export pour la construction de centrales au charbon a été confirmée, mais sans calendrier défini.
Lors de la présentation de la feuille de route française pour 2015 en matière d’environnement, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal et le premier ministre Manuel Valls ont annoncé une suspension de ces aides françaises, dans la perspective de la conférence Paris Climat 2015.
Objectif Paris Climat 2015
« La France fera tout pour obtenir un accord sur le climat lors de la COP 21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Nous allons notamment adapter nos aides à l’export, car nous devons être exemplaires » a affirmé Manuel Valls.
>>Retrouvez le dossier spécial: La route vers Paris Climat 2015
Le calendrier d’application et les conditions de mise en œuvre n’ont pas été précisés, mais le seront « très prochainement » et en concertation avec les entreprises concernées, a assuré Ségolène Royal. Au premier rang desquels Alstom, qui a profité des garanties françaises pour de nombreux projets dans les pays du Sud.
La mesure devrait être entérinée dans la loi sur la transition énergétique et la croissance verte dont l’examen doit commencer au Sénat.
1,2 milliard d’euros de projets charbon
Si le charbon est très peu utilisé en France, le pays le subventionne toujours à l’export au travers des garanties publiques de l’agence de crédit aux exportations française, la Coface.
Depuis 2011, l’agence a garanti plus de 1,2 milliard d’euros des projets charbon. Sur la période 2007-2013, elle a occupé le 5e rang des agences de crédit aux exportations de l’OCDE en matière de soutien au charbon.
Les garanties publiques françaises à l’export vers les pays en développement ne pourront plus profiter aux centrales au charbon, « sans captage et stockage de CO2 » a précisé le premier ministre.
Problème, la technologie de captage et stockage du dioxyde de carbone (CSC), permettant de piéger les émissions des centrales électriques afin de réduire leur impact sur le changement climatique est expérimental, et seuls quelques projets dans le monde sont opérationnels.
Errance du captage et stockage de Co²
« L’enjeu est de savoir s’il faudra que les usines soient équipées d’un captage et d’un stockage opérationnel ou non, c’est-à-dire une technologie qui permette une baisse effective des émissions de CO² » explique Lucie Pinson, chargée de campagne aux Amis de la Terre.
>>Lire : La Commission veut des objectifs contraignants en matière de captage de CO2
Pourtant, la France s’est déjà en partie engagée à mettre fin à ses subventions aux centrales à charbon dans les pays en développement. Dès mars 2013, le président François Hollande avait promis que l’Agence française de développement (AFD) ne financerait plus de centrales carburant au charbon. Une promesse entérinée par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale en juillet 2014.
Le texte précise que la banque de développement française « ne finance pas de projets de centrales à charbon, à l’exception des centrales incluant un dispositif opérationnel de captage et de stockage de dioxyde de carbone ».
La précision a son importance, selon Lucie Pinson. « La Coface a par exemple apporté des garanties au projet de centrales Medupi en Afrique du Sud, qui devrait entrer en service en juin 2015. Cette centrale a aussi profité d’un soutien de la Banque mondiale au motif qu’elle était équipée d’un dispositif CSC » précise la chargée de campagne.
Mais le système est loin d’être opérationnel et la centrale devrait émettre à elle seule 29 millions de tonnes de Co² par an. En 2011, la combustion de charbon en France émettait 35,1 millions de tonnes et sa combustion totale d’énergies fossiles 328,3 millions de tonnes par an.
Négociation à l’OCDE
Du côté de l’Union européenne, la question est aussi en négociation ; mais les progrès se font rare.
Selon un document obtenu par EURACTIV, la Commission européenne défend pour l’heure une position peu ambitieuse dans le cadre des négociations au sein de l’OCDE, qui est chargée d’encadrer les agences de crédit à l’exportation.
Dans la perspective d’une réunion en mars 2015, le texte préparé par la Commission européenne propose uniquement l’arrêt des soutiens aux centrales les plus polluantes, et demande à l’OCDE et l’AIE des analyses supplémentaires sur les contraintes techniques du « charbon propre ». Une proposition qui s’avère très proche de celle soumise par les industriels.