17 pays de l’UE alertent les entreprises sur le risque lié aux relations commerciales avec les entreprises israéliennes installées dans les territoires occupés.
Au compte-goutte, les pays de l’Union européenne sont en train d’adopter une position commune sur les relations commerciales avec les colonies israéliennes. Conformément aux lignes directrices UE-Israel adoptées en 2013, et applicables à partir de début janvier 2014, certains membres de l’UE déconseillent désormais à leurs entreprises de se livrer à des échanges commerciaux avec les entreprises israéliennes installées dans les territoires occupés.
La France a ainsi publié fin juin sans tambour ni trompette un addendum à sa fiche de conseils généraux aux voyageurs, plusieurs mois après le Royaume-Uni, l’Allemagne l’Espagne et l’Italie. Et avant que d’autres pays ne les rejoigne : le Portugal, l’Autriche, l’Irlande, la Finlande, le Danemark, la Belgique et la Croatie.
Depuis début juillet, ils sont 17, soit une majorité de pays de l’UE, à rappeler qu’il existe des risques liés aux activités économiques et financières dans les colonies israéliennes.
« Il y a eu un effet boule de neige. Les conseils généraux aux voyageurs sont faits pays par pays, mais ils se font dans la concertation » assure-t-on au Quai d’Orsay à Paris.
Le mouvement a été vivement critiqué par le ministre des Affaires étrangères étrangères israélien, Avigdor Libermann, qui était en visite en France fin juin. « Au regard de ce qui se passe actuellement en Syrie, en Libye ou en Irak, tenter de condamner systématiquement Israël ou d’exercer des pressions pour tout ce qui est des constructions à Jérusalem et en Judée Samarie relève d’une totale déconnexion de la réalité », avait-il indiqué dans un communiqué diffusé par l’ambassade d’Israël en France.
Responsabiliser les entreprises
La décision s’inscrit plus généralement « dans une responsabilisation progressive des entreprises dans le droit international, qui relève d’une jurisprudence récente. On demande aux États d’être responsables, et donc de responsabiliser leurs entreprises notamment en incitant au respect des droits de l’homme » explique François Dubuisson, professeur au Centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles.
Selon lui, cette décision est l’occasion de rappeler le caractère illégal de l’occupation des territoires occupés par Israël, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Elle présente toutefois une ambiguïté. « Officiellement, l’UE n’interdit pas les relations commerciales avec les entreprises israéliennes installées dans les territoires occupés. En revanche, elle déconseille l’achat et la vente de biens en provenance des colonies, ce qui n’est pas très clair » constate François Dubuisson.
Selon le ministère français des Affaires étrangères, cette communication s’inscrit aussi dans le cadre de la « diplomatie économique », nouveau mot d’ordre de l’action diplomatique en France, qui consiste à impliquer les entreprises dans les relations internationales, et impliquer la diplomatie dans le commerce international. En l’occurrence, une des sociétés françaises visées par les recommandations pourrait être la banque franco-belge Dexia, dont l’État français détient une majorité du capital. Après le rachat d’une banque israélienne, Dexia a en effet des activités de financement dans le secteur de la construction, dont certaines à Gaza et en Cisjordanie. D’autres entreprises européennes ont préféré se retirer de projets controversés, comme la société de chemins de fer allemande ou la société des eaux néerlandaise.
Un durcissement discret
Ce durcissement de ton de l’UE à l’égard d’Israël se fait en toute discrétion. Si de nombreux pays ont bien publié la position commune de l’UE sur les territoires occupés, ni la Commission, ni le Service d’Action extérieure ne se sont chargés de le faire.
L’alerte pourrait néanmoins avoir un corollaire : la mise en pratique d’un projet d’étiquetage des produits en provenance des territoires occupés. La majorité des exportations des territoires occupés sont en effet produits par des colonies israéliennes. Certains bénéficient ainsi de facto de droits préférentiels avec l’UE, qui a signé un accord préférentiel en ce sens avec l’Autorité palestinienne. «Les douanes ne peuvent pas vérifier les codes postaux de toutes les marchandises qui arrivent par containers entiers » estime François Dubuisson.
>>Lire aussi : L’UE s’apprête à demander des réparations à Israel