L’adoption d’un mécanisme contraignant pour certains minerais issus des zones de conflit a été rejeté en commission par les eurodéputés. Qui lui préfèrent une autocertification peu ambitieuse, dont certains minerais seraient de surcroît exclus.
La lutte contre le commerce de l’or, le tantale (matériau qui fait vibrer les téléphones portables), le tungstène et l’étain finançant des conflits armés avance à petits pas au niveau européen.
Le 14 avril, les eurodéputés de la commission commerce international du Parlement européen ont adopté par 22 voix contre 16 voix et 2 abstentions la proposition de règlement sur les « minéraux de sang », des minéraux provenant de zones de conflits qu’ils alimentent le plus souvent. Mais les élus ont également repoussé une proposition destinée à imposer un principe de la transparence contraignant à l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement de ces minéraux.
Auto-certification privilégiée
« Malheureusement, la commission commerce est passée à côté d’une belle occasion d’arrêter les minerais de sang » a regretté sur Twitter Ska Keller, eurodéputée allemande (Verts). En refusant de durcir la proposition initiale de la Commission européenne, les eurodéputés ont choisi de conserver une grande partie du dispositif initial basé sur l’auto-certification des entreprises et la labellisation des chaînes d’approvisionnement responsable.
Seules les fonderies et les raffineries de l’UE seront sous le coup d’une obligation d’approvisionnement responsable, labellisée via une mention d’importateur responsable européen. Une option défendue par les forces politiques à droite de l’échiquier politique européen et fortement récusée par la gauche et les Verts, défenseurs d’un système contraignant à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement.
« L’antagonisme entre l’approche obligatoire et volontaire de la régulation est un faux problème. Le vrai défi concerne l’élaboration d’une règlementation efficace et viable » a affirmé Iuliu Winkler, député démocrate-chrétien roumain et vice-Président de la commission.
>>Lire : La législation sur les « minerais de sang » patine
« Les raffineries-fonderies européennes ne représentant que 5% du marché mondial » a rappelé Yannick Jadot, vice-président de la Commission du Commerce international (Verts). « Autrement dit, le seul moyen de soumettre la majorité des industries du secteur localisées en dehors de l’UE et principalement en Asie aux mêmes règles que les entreprises européennes est d’imposer la diligence raisonnable à tous les maillons de la chaîne » a-t-il martelé.
Longtemps attendue et présentée en mars 2014, la proposition de la Commission européenne misait initialement sur la l’instauration d’un mécanisme d’approvisionnement responsable en minerais provenant des régions en conflit en général, et de la région des Grands Lacs en République démocratique du Congo (RDC), particulièrement touchée par le phénomène.
>>Lire : L’UE promet de s’occuper des « minéraux du sang » dans un projet sur les matières premières
Ce mécanisme d’auto-certification doublé d’un label avait soulevé de nombreuses critiques parmi les ONG, qui jugeaient le dispositif insuffisant pour endiguer la filière.
Un système contraignant est pourtant déjà en place aux États-Unis depuis 2010. La loi Dodd Franck a rendu obligatoire pour les entreprises américaines une certification approfondie, qui les contraint à vérifier la source des matériaux. Une législation qui a depuis fait ses preuves, selon ses supporteurs, tandis que ses détracteurs l’accusent d’avoir favorisé le commerce de minerais de sang via des pays voisins de zones de conflits visés par la législation, mais aussi d’avoir créé un embargo américain de fait sur le secteur minier du Congo, et notamment sur les petites entreprises.
Champ réduit
D’autres critiques ont également vu le jour sur le champ d’application du texte, jugé trop restreint. Si les diamants font déjà partie du système de certification « Processus de Kimberley » auquel participe l’Union européenne, d’autres minerais alimentant des conflits armés dans le monde sont laissés à la marge du texte européen, tels que les émeraudes et le charbon en Colombie, ou encore le cuivre, le jade et le rubis en Birmanie.
« Ce texte est très restreint au niveau de son champ d’application. Il concerne trop peu d’entreprises et de ressources. Nous recommandons d’inclure le cuivre et les pierres précieuses qui posent problème en Birmanie par exemple » expliqué Henri Muyiha, secrétaire général de la Commission épiscopale pour les ressources naturelles (CERN) du Congo.
La proposition de règlement doit maintenant être adoptée en séance plénière au Parlement lors de la session plénière de mai, avant d’atterrir sur la table des États membres.