L’Alliance du Vaccin a obtenu des promesses de financement suffisantes pour vacciner 300 millions d’enfants. Mais plusieurs ONG craignent qu’une grande partie de ces fonds ne finisse dans les caisses des géants de l’industrie pharmaceutique. Un article d’EURACTIV Allemagne.
Lors d’une conférence des donateurs à Berlin, l’Allience du vaccin GAVI a atteint son objectif de récolter environ 6,6 milliards d’euros pour vacciner 300 millions d’enfants dans les pays en développement d’ici 2020.
Le principal organisateur et sponsor de cette conférence, la chancelière allemande, Angela Merkel, a promis une contribution de 600 millions d’euros à l’Alliance du Vaccin, soit presque 200 millions de plus que ce qui était prévu.
Angela Merkel a expliqué que cette augmentation était notamment liée au besoin engendré par la crise d’Ebola actuelle. « Nous devons investir davantage dans la prévention et la recherche », a-t-elle insisté.
« La communauté mondiale que nous sommes s’était fixé l’objectif de réduire la mortalité infantile d’un tiers cette année. Nous ne sommes arrivés qu’à la moitié de cet objectif. C’est un scandale », estime Gerd Müller, le ministre allemand du Développement.
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D’autres pays ont également promis d’impressionnantes contributions financières. C’est le cas des États-Unis, qui ont promis près d’un milliard d’euros, par exemple, ainsi que du Royaume-Uni et de la Fondation Bill et Melinda Gates, qui ont tous deux promis plus d’1,3 milliard. Neven Mimica, le commissaire au développement espère voir l’UE accorder 200 millions d’euros. De son côté la France a annoncé une contribution de 250 millions d’euros.
Fondée en 2000 sous l’impulsion du fondateur de Microsoft, Bill Gates, l’Alliance du Vaccin a déjà permis de vacciner près d’un demi-milliard d’enfants dans le monde. Ils sont encore 6,3 millions d’enfants à mourir chaque année de maladies qui pourraient être facilement soignées, ou même être évitées.
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Vaincre les diktats de l’industrie pharmaceutique
GAVI offre au 73 pays les plus pauvres du monde des vaccins à un prix cinq fois moins élevé que dans les pays industrialisés. L’organisation, qui comprend des gouvernements, des firmes pharmaceutiques, des fondations et des ONG, finance par exemple des vaccins contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, l’hépatite B, le pneumocoque, la rougeole et la polio.
Un quart de ces 73 pays sont cependant en train de devenir des pays au revenu intermédiaire et perdront donc l’aide de l’Alliance. Certains estiment que cette transition coûtera la vie à environ 22 millions d’enfants qui « ne sont pas pleinement vaccinés ».
Les ONG ont toutefois qualifié la conférence des donateurs de « grand succès ». Les contributions, qui dépassent les 6,6 milliards d’euros, sont un véritable « vote de confiance » vis-à-vis de GAVI, estime Michael Elliott, qui dirige l’organisation de lutte contre la pauvreté ONE.
Il explique que l’Alliance du Vaccin pourra à présent « continuer à fournir des résultats mesurables et efficaces, et à garantir que plus d’enfants, d’où qu’ils soient, auront accès aux vaccins dont ils ont besoin ».
Même les ONG les plus critiques étaient satisfaites de l’engagement du gouvernement allemand. Pour la première fois, l’Allemagne dépasse la contribution normale pour son économie, expliquent des membres de ONE, Plan International, Save the Children et World Vision.
MSF: « Les producteurs de vaccins demandent des prix bien trop élevés »
Oxfam et MSF se félicitent du succès de la collecte de GAVI, mais appellent l’Alliance du Vaccin à se réformer. Les deux organisations accusent les producteurs de vaccins d’avoir trop d’influence au sein de GAVI, qui est un partenariat public-privé, et demandent depuis des années des prix beaucoup trop élevés pour les médicaments.
« Pour protéger autant d’enfants que possible dans le monde, les contributions promises à Berlin doivent être utilisées efficacement. L’opacité du marché des vaccins permet aux entreprises d’exiger des prix beaucoup trop élevés. C’est l’une des raisons pour lesquelles tous les enfants du monde ne peuvent pas être vaccinés aujourd’hui », explique Philipp Frisch, de MSF.
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« Nous demandons donc à Angela Merkel, qui a organisé la conférence, de faire pression sur les firmes pharmaceutiques afin qu’elles diminuent leurs prix considérablement. Au lieu d’accepter les prix exigés par les entreprises, GAVI devrait d’abord mener un examen indépendant des coûts de production réels », continue-t-il.
Jörn Kalinski, d’Oxfam Allemagne, estime également que l’organisation doit être modifiée. « Nous voudrions que les systèmes de santé des pays qui reçoivent les aides de GAVI soient renforcés et que l’industrie pharmaceutique soit moins influente dans les organes de décisions de l’Alliance du Vaccin » a-t-il rappelé.
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