L’objectif du millénaire pour le développement en matière de santé maternelle affiche un retard alarmant. Manque d’investissement mais surtout freins culturels freinent la réduction des décès liés à la grossesse et à l’accouchement.
Parent pauvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la santé maternelle peine à progresser vers son objectifs 2015. En cause, un manque d’investissement des pays en voie de développement dans leurs systèmes de santé, mais aussi des freins culturels non négligeables.
« Il y a un retard énorme sur l’objectif de santé maternelle » note Charlotte Soulary, chargée de plaidoyer santé chez Oxfam France. L’objectif « numéro 5 » défini en 2000 a pourtant vu le nombre de décès maternels diminuer de 47% entre 1990 et 2010, note le rapport d’étape de l’ONU en 2010. Le nombre de femmes décédant pendant la grossesse, l’accouchement ou des suites d’un accouchement est estimé à 287000 pour 2010. « Mais cette moyenne cache en fait des disparités gigantesques, voire parfois de nettes dégradations dans certains pays parmi les plus pauvres» regrette Charlotte Soulary.
Aujourd’hui, une femme meurt chaque minute à cause de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. C’est l’une des deux plus importantes causes de décès des femmes en âge de procréer, avec le sida.
La question taboue de l’avortement
L’amélioration de la santé maternelle fait notamment face à la problématique de la légalité de l’avortement. Ce sujet « tabou » pour de nombreux pays n’est pas pris en compte dans la définition des OMD, ou seul l’accès à la contraception figure dans les moyens de lutte contre les décès liés à la grossesse. « Les seuls risques mentionnés sont ceux des grossesses à répétition ou des grossesses adolescente » déplore Charlotte Soulary.
Pourtant, environ 15% des décès lors de l’accouchement sont provoqués par un avortement mal pratiqué. Un chiffre évidemment très difficile à faire valoir auprès des gouvernements des pays où l’avortement est illégal, soit environ la moitié des pays dans le monde. Difficile alors d’imaginer que l’objectif de réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle puisse être atteint.
Dans le domaine de la contraception, l’’objectif de rendre l’accès à la médecine procréative universel d’ici à 2015 fait également face à de nombreux freins culturels. La distribution et le recours aux contraceptifs tend à stagner. Pire, par rapport à l'aide totale à la santé, l'aide à la planification familiale a diminué au cours des dix dernières années. Il reste pour l’heure 200 millions de femmes dans les pays en développement ont des besoins en contraception non satisfaits, dont 130 millions sur le seul continent africain.
Un manque d’avancées qui s’explique principalement par les idées reçues et traditions en cours dans certains pays. « Peu de pharmacie en Afrique vont accepter de distribuer une contraception à une femme si celle-ci n’est pas accompagnée par son mari » explique Charlotte Soulary.
Un coût toujours élevé des soins
Le coût de la santé reste également un des freins principaux à l’amélioration de la santé maternelle. « 15% des grossesses nécessitent une césarienne, selon l’organisation mondiale de la Santé explique Charlotte Soulary. « Il s’agit d’une opération chirurgicale qui représente selon les pays jusqu’à plusieurs mois de revenus, ainsi qu’un transport en ambulance que la plupart des femmes dans les pays en développement ne peuvent pas se payer. Beaucoup d’entre elles s’en « remettent à Dieu » dans cette situation » déplore-t-elle
Pour beaucoup d’observateur, la mise en place d’une couverture maladie universelle représente l’outil le plus efficace. Aujourd’hui, 10% des populations d’Afrique sub-saharienne ont accès à une sécurité sociale. Une proportion encore faible et surtout très fragmentée. En effet, les politiques publiques mettent en place des accès gratuits aux soins, mais souvent sur une partie de la population (fonctionnaires) ou sur certains soins spécifiques (accouchement).
Un système qui permet quelques améliorations notables. Au Ghana, l’accès gratuit aux soins a été mis en place pour l’ensemble de la population via une hausse et une réallocation de la TVA. Au Burkina Faso, ce sont les soins liés à l’accouchement qui sont pris en charge en presque totalité par l’Etat, permettant une réduction forte des décès liés à l’accouchement. A l’inverse, certains pays manquent cruellement de moyens pour améliorer la santé maternelle. C’est le cas du Niger, un des pays qui enregistrent le plus fort taux de mortalité maternelle au monde, et ne dispose que d’une seule sage-femme pour 33 500 habitants.
Manque d’investissement global
Nombreux sont les Etats africains à sous-investir dans les secteurs sociaux, dont la santé. « Si tous les Etats africains respectaient leurs engagements en faveur des budgets de la santé, l’éducation et l’agriculture, 190 milliards d’euros pourraient être mobilisés entre 2013 et 2015 pour atteindre les OMD dans cette région» déclare Guillaume Grosso, directeur de ONE France.
Un manque d’investissement qui n’est pas seulement pointé chez les pays en développement. La mise en place de financements pérennes pour les systèmes de santé compte aussi sur l’aide au développement. Et les promesses des pays donateurs demeurent en dessous des engagements de 0,7% du Revenu national brut (RNB). La France deuxième contributeur mondial à l’aide au développement en pourcentage du RNB n’atteint aujourd’hui que 0,46%.