La mobilisation des financements pour la lutte contre le réchauffement climatique patine. C’est pourtant la condition sine qua non d’un accord pour la COP 21.
L’addition du changement climatique sera salée. Selon les différentes estimations, le coût du financement de la réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial oscille entre 500 milliards et 1500 milliards d’euros.
À moins d’un an de la conférence internationale de Paris 2015, qui doit trouver un accord mondial afin de limiter le réchauffement climatique après 2020 à 2 degrés Celsius, les moyens mobilisés pour faire face à ces coûts considérables sont encore faibles. Et les besoins se font pressants.
Sur la période pre-2020, les pays développés s’étaient engagés dans le cadre des accords de Copenhague et de Cancún à mobiliser 100 milliards de dollars par an (soit environ 70 milliards d’euros) de financements publics et privés d’ici à 2020.
>>Lire : Balbutiement de mobilisation pour le financement du climat
Un objectif ambitieux sur lequel comptent nombre de pays en développement pour planifier leur politique d’adaptation aux effets du changement climatique.
Pour l’heure, les financements se font attendre, même si la première capitalisation du Fonds vert pour le climat, un des outils destinés à accueillir une partie significative des 100 milliards semble avoir amorcé une certaine dynamique.
>>Lire : Le Fonds vert pour le climat frôle son objectif de 10 milliards de dollars
Lors de la COP 20, un certain nombre de pays développés, dont la France, l’Allemagne ou le Japon, ont confirmé ou annoncé leur participation au Fonds vert, pour un montant frôlant les 10 milliards de dollars (7,4 milliards d’euros).
Difficultés du MDP
Autre difficulté, certains outils de financement prévus par le protocole de Kyoto, comme le mécanisme de développement propre (MDP), ont trouvé leurs limites.
Le mécanisme permet aux pays développés de financer des projets « verts » dans les pays en voie de développement. Les émissions de CO2 économisées dans les pays Sud sont cédées sous forme de crédits représentant une tonne de carbone, notamment sur le marché du carbone européen.
Mais l’effondrement du prix de la tonne de carbone a mis un coup d’arrêt au dispositif, qui se trouve actuellement au point mort.
>>Lire : Donner un prix au carbone, une équation à multiples inconnues
Pour beaucoup, le compte n’y est pas, notamment pour les pays en voie de développement qui attendent que leurs homologues du Nord tiennent leurs promesses, mais aussi pour les grands émergents, comme la Chine ou l’Inde, qui refusent de desserrer les cordons de la bourse avant d’avoir certaines garanties.
« Il faudra d’abord résoudre cette question des financements pre-2020 avant de s’intéresser aux financements post-2020 » estime Romain Benicchio d’Oxfam France.
À Lima, les conclusions adoptées par les 194 pays participants appelaient « avec insistance» les pays développés à fournir un soutien financier renforcé aux pays en voie de développement, en particulier les plus vulnérables.
« Mais le peu d’engagements des pays développés sur le front des financements ralentit les négociations. Les jeux ne se feront pas avant Paris » dénonce Romain Bennicchio.
L’avenir des financements privés
Le canal des financements privés va lui aussi être mis à contribution. Les premières initiatives ont déjà vu le jour, Début 2013, un consortium de banques d’investissement a défini les grandes lignes d’un standard commun pour le marché des obligations vertes. En France, l’Agence française de Développement a lancé sa première émission obligataire « verte ».
Mais les modalités pour les comptabiliser restent encore vagues. Cette thématique fera d’ailleurs partie des enjeux des négociations de Paris Climats 2015 : quels types de financements privés peuvent être pris en compte dans financements globaux en faveur du climat ?
« Aujourd’hui, il est difficile de comptabiliser l’apport des financements privés puisqu’il s’agit majoritairement d’auto certification. Lors du sommet de Ban Ki Moon, il y a eu beaucoup d’annonces de la part du secteur privé sur le front de la finance verte, mais il est difficile de savoir si ces financements auront vraiment un impact sur le climat ou non, faute de standard d’évaluation clairs et unifiés » détaille Romain Benoiccio.
Les financements privés devraient représenter une part de plus en plus importante des fonds à destination de la lutte contre le réchauffement climatique. En 2013, ils ont représenté plus de 60% des financements climats recensés par l’organisation Initiative politique pour le Climat, dans son rapport « Paysage des financements climatiques en 2013 ».
Et leur part devrait croitre à l’avenir. « Vu les montants nécessaires pour atteindre l’objectif de maintenir le réchauffement à 2 degrés et les contraintes budgétaires auxquelles font face les gouvernements du monde entier, l’argent public seul ne sera pas suffisant » estime CDC Climat dans un rapport sur la finance verte
Réorientation des flux
Problème, une partie importante des investissements en matière d’énergie continuent d’affluer vers le secteur des énergies fossiles, parfois plus rentables, mais importantes émetteur de gaz à effet de serre.
« On estime ainsi qu’un total de 1 900 milliards de dollars US de subventions vient alimenter le secteur des énergies fossiles chaque année, ce montant comprenant les coûts engendrés par les immenses dégâts provoqués par le secteur » souligne le rapport « Alimentation, énergies fossiles et financements indécents » publié en octobre 2013 par Oxfam.
Et le rythme d’investissement en faveur des énergies fossiles pourrait ne pas ralentir, faute d’engagement politique solide en faveur d’une réorientation. « 6 000 milliards de dollars seront consacrés dans les dix prochaines années au développement des énergies fossiles » estime le rapport.