Le gouvernement du Burundi « n’est pas surpris » par la suspension de l’aide directe de l’Union européenne annoncée le 14 mars, selon le ministre burundais des Relations extérieures.
« Le gouvernement du Burundi n’a pas été surpris par cette décision. On s’y attendait, même si elle est prise après une série de mesures qui redressaient la situation dans les domaines des droits de l’Homme et sécuritaire », a déclaré Alain-Aimé Nyamitwe, ministre des Relations extérieures, qui se défend pourtant d’agir de manière calculée : « Il s’agit de mesures prises dans l’intérêt de la population et pas pour plaire à tel ou tel de nos partenaires. »
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Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré avoir « récemment entrevu quelques lueurs d’espoir » au Burundi, mais estime que la situation reste « préoccupante » et que l’aide ne sera pas rétablie avant la mise en place d’une série de mesures concrètes.
« L’effort que nous demandons est réalisable, avec de la volonté et de la détermination: il repose sur des mesures et des processus déjà mis en place par l’Union africaine, la Communauté est-africaine et l’Organisation des Nations unies, et salués par les cinq chefs d’État africains mandatés par l’Union africaine », assure-t-elle. « Nous pensons notamment qu’il peut contribuer au dialogue inter-burundais mené sous la médiation de la Communauté est-africaine, qui joue un rôle essentiel dans la recherche d’une solution politique durable à la crise. »
L’UE a annoncé lundi dans un communiqué la suspension de l’aide directe au gouvernement du Burundi, mais maintient « intégralement son soutien financier à la population et son aide humanitaire ». Elle cite également les mesures spécifiques que le gouvernement burundais doit prendre pour « permettre la reprise d’une pleine coopération ».
Avec une aide globale de quelque 430 millions d’euros pour la période 2015-2020, l’UE est le premier donateur du Burundi.
Pas d’interruption de l’aide humanitaire
« Nous estimons en réalité que [la suspension de l’aide directe à l’administration] n’est pas une si mauvaise nouvelle, tant que la population continue à être servie. Je ne suis pas économiste mais […] le Burundi a tenu bon jusqu’ici et j’espère qu’il va continuer à tenir », a insisté Alain-Aimé Nyamitwe, joint par l’AFP, qui rappelle que la suspension des aides européennes est en réalité effective depuis plusieurs mois.
« L’UE est – et restera – fermement engagée auprès de la population burundaise […], première victime de cette crise », affirme en effet Neven Mimica, commissaire européen à la coopération internationale et au développement. « Parallèlement, des projets financés par l’UE visant à assurer l’accès de la population aux services de base, mais sans acheminer les ressources financières par des comptes détenus par le gouvernement burundais, sont en cours d’élaboration, et l’UE reste déterminée à fournir une aide d’urgence. »
Échec des négociations
La décision, attendue après l’échec en décembre de consultations entre le Burundi et l’UE réclamées par les Européens à la suite des violences qui secouent ce pays, a été prise lundi par les 28 ministres des Affaires étrangères de l’UE lors de leur réunion mensuelle à Bruxelles. L’UE rejoint ainsi les principaux donateurs bilatéraux occidentaux du Burundi, qui avaient déjà suspendu leur aide, alors que l’économie de ce petit pays est en ruine après plus de dix mois crise grave, émaillée de violences.
Le Burundi a plongé dans cette crise en avril 2015, lorsque le président Pierre Nkurunziza a annoncé sa candidature pour un troisième mandat – qu’il a obtenu en juillet. Le président estime avoir été nommé par Dieu lui-même et brigue un troisième mandat inconstitutionnel
Ce mandat supplémentaire est une violation de la Constitution et de l’accord d’Arusha qui a mis fin à la guerre civile de 1993-2006, selon l’opposition, la société civile et une partie de son propre camp. Ces violences ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 250 000 personnes à quitter le pays.
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