La désorganisation économique de la société syrienne, la perte de connectivité et la destruction des réseaux professionnels ont un impact 20 fois plus important sur le RNB que la destruction des bâtiments, selon la Banque mondiale.
Dans un rapport sur la Syrie intitulé « L’impact des conséquences économiques et sociales du conflit syrien », la Banque mondiale tente de fournir une estimation détaillée de l’impact de la guerre sur l’économie syrienne.
La guerre en Syrie aurait causé pas moins de 400 000 décès, et a poussé plus de la moitié de la population à l’exil, souvent à l’étranger, rappelle le rapport, publié en juillet, qui se penche à la fois sur les dommages infrastructurels, mais aussi à la population, à l’économie et aux institutions du pays.
Les estimations montrent qu’environ six Syriens sur dix vivent aujourd’hui dans une pauvreté extrême. Durant les quatre premières années du conflit, quelque 538 000 emplois ont été détruits tous les ans. Résultat : 6,1 millions de Syriens n’ont ni travail ni éducation ou formation.
En 2015, le chômage touchait pas moins de 78 % des jeunes. À long terme, cela signifie une perte collective de capital humain, et donc une pénurie de compétences en Syrie. À court terme, la conséquence est que de nombreux citoyens, surtout les hommes jeunes, se joignent au rang des groupes armés juste pour survivre.
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— Banque mondiale (@Banquemondiale) September 11, 2017
Saroj Kumar Jha, directeur régional pour le département Moyen-Orient de la Banque mondiale, qui couvre la Syrie, l’Iran, l’Irak, la Jordanie et le Liban, et l’un des auteurs du rapport, explique à Euractiv qu’il y avait « de plus en plus de preuves selon lesquelles les moteurs des conflits prolongés étaient principalement liés au développement ».
Les dommages physiques, visibles sur les enregistrements, ne représentent évidemment qu’une très petite partie des conséquences économiques identifiées par la Banque mondiale, indique le responsable. Dans le processus de reconstruction, il faudra donc mettre davantage l’accent sur le manque de confiance, les problèmes de mobilité et la destruction complète des chaines d’approvisionnement.
« Si les efforts se concentrent seulement sur la reconstruction physique des infrastructures, le processus sera extrêmement lent », assure Saroj Kumar Jha, qui ajoute qu’il vaudrait mieux mettre en place un processus s’inspirant plutôt de l’aide au développement, afin de mobiliser des investissements privés et de créer des emplois.
En ce qui concerne la Syrie, le Liban, la Jordanie et l’Irak, le spécialiste estime qu’il faudrait transformer les terres ravagées par la guerre en « espaces de développement ». Cela implique la reconstruction de la confiance sociale via le soutien aux institutions inclusives, la création d’emploi pour tous et par la mise en place d’une aide au développement moins hiérarchisée.
La région aura également besoin d’un soutien à long et moyen terme, en particulier en ce qui concerne l’éducation, la santé et l’emploi des personnes déplacées de force, surtout en Jordanie et au Liban, pays qui accueillent plus de 3 millions de Syrie, poursuit Saroj Kumar Jha.
Le groupe Banque mondiale aide actuellement les deux pays à créer des emplois à la fois pour les réfugiés et pour les citoyens des communautés d’accueil, en mettant en place des zones économiques spéciales et en attirant des investissements privés grâce à des réformes économiques.
Les effets invisibles
Harun Onder, économiste de la Banque mondiale et principal auteur du rapport, avertit cependant que le nombre de morts, de personnes déplacées et d’emplois disparus « n’est que la pointe de l’iceberg ».
La partie immergée, c’est la désorganisation économique de la société syrienne, la perte de connectivité, la destruction des réseaux professionnels. « En comparant ces effets [économiques] invisibles et la destruction des bâtiments physiques, nous avons réalisé qu’ils ont en moyenne 20 fois plus d’impact sur le RNB syrien », indique-t-il.
« Cela nous indique comment orienter, demain, le processus de reconstruction », précise l’économiste.
Pour Saroj Kumar Jha, l’UE a un rôle à jouer dans la reconstruction, mais aussi dans la résolution du conflit. « L’UE joue un rôle très important dans le résolution des conflits en général. Je ne peux que confirmer que nous estimons ce rôle dans les secteurs humanitaire, diplomatique et de développement », indique-t-il.
Ruée vers la reconstruction
La perspective d’une réconciliation a suscité un intérêt important de la part des gouvernements et firmes qui pourraient tirer profit de la reconstruction syrienne, qui sera d’une ampleur colossale. Les plus proches alliés du régime d’al-Assad, la Russie et l’Iran, sont déjà les principaux bénéficiaires de cette ruée vers l’or, talonnés par la Chine.
Certains observateurs soulignent également qu’un plan Marshall pour la Syrie finirait par enrichir davantage le régime.
C’est pourquoi les chercheurs du groupe de réflexion Brookings ont proposé une série de règles pour assurer une reconstruction équitable et sans entrave. Ces règles peuvent être résumées comme suit : contourner Bachar al-Assad, investir localement, à petite échelle et lentement.
To avoid injustice in Syria, @SHeydemann counsels West govs, UN & World Bank to largely avoid Syria reconstruction https://t.co/imgncN2xXj
— Joshua Landis (@joshua_landis) August 28, 2017