À quelques jours de la présidentielle, des ONG françaises dénoncent la vision de la solidarité internationale qui domine la campagne, et mettent en garde contre une utilisation de l’aide à des fins de contrôle migratoire.
Coordination SUD – Solidarité Urgence Développement est la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale.
Alors que les Nations unies rappellent que les progrès du développement humain sont menacés par le dérèglement climatique et l’aggravation des inégalités à l’échelle mondiale, la solidarité internationale fait figure de grande absente de la campagne présidentielle française.
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, force est de constater que c’est l’approche la plus contestable qui a paradoxalement reçu le plus d’échos : celle qui promeut l’utilisation de l’aide publique au développement comme un outil de gestion des migrations.
Certain-e-s candidat-e-s considèrent en effet le développement des pays tiers comme le meilleur moyen pour maintenir les migrant-e-s en dehors de nos frontières nationales. Ceci résulte d’une analyse erronée des phénomènes migratoires. Faut-il rappeler que les personnes qui s’engagent dans une migration internationale ne sont pas les plus pauvres, mais celles qui en ont les moyens ? Faut-il rappeler que le développement socio-économique tend d’ailleurs, à court et moyen termes, à stimuler les migrations internationales, car un meilleur accès aux ressources financières rend la mobilité envisageable ?
L’émigration de 60 millions d’européen-ne-s pendant la révolution industrielle illustre ce point : le développement s’accompagne, dans les premières décennies, d’une augmentation de l’émigration. La réduction de la pauvreté, bien que nécessaire, ne se traduit donc pas automatiquement par une baisse de la migration.
Certain-e-s prétendant-e-s à la fonction suprême vont jusqu’à proposer de conditionner la politique de solidarité internationale au contrôle des migrations. Ainsi, un État recevrait plus ou moins de ressources financières, d’avantages commerciaux ou d’assistance technique français et européens selon sa capacité à contenir les candidat-e-s à l’exil à l’intérieur de ses frontières. Cette instrumentalisation constitue une rupture extrêmement inquiétante dans la vision du développement, en négligeant les besoins réels des plus vulnérables et en condamnant l’aide à la défense des intérêts sécuritaires des pays donateurs.
Les organisations de solidarité internationale alertent aujourd’hui les candidat-e-s à l’élection présidentielle : la France doit non seulement atteindre lors du prochain quinquennat l’engagement d’allouer 0,7 % de sa richesse nationale à l’aide publique au développement. Elle doit aussi s’assurer que celle-ci ne soit pas une monnaie d’échange dans la gestion des flux migratoires.
Si la politique de développement et de solidarité internationale devait servir un objectif migratoire, c’est avant tout de contribuer à créer les conditions pour que chacun-e puisse librement faire le choix de quitter, ou non, son pays d’accueil, d’origine ou de naissance. Cette politique rejoindrait ainsi son objectif premier, celui de répondre aux besoins des plus vulnérables et de contribuer à la construction d’un monde plus juste et plus durable.