Surprise dans les institutions européennes : le gouvernement français a déposé un recours contre le vote du budget 2017 au Parlement européen. Tous les moyens sont bons pour défendre le siège strasbourgeois de la chambre.
La France a déposé, le 9 février, un recours auprès de la Cour de Justice européenne contre le budget 2017. Non pas pour contester son contenu, mais le lieu de son adoption : Bruxelles, et non Strasbourg. Le 1er décembre dernier, le Parlement européen a en effet voté le budget lors d’une mini-session belge. Un sacrilège pour la France, qui rappelle que le traité européen prévoit que le budget soit systématiquement adopté en session plénière à Strasbourg.
En pleine crise du Brexit, et à la veille d’élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, le sujet peut paraître anecdotique, comme le souligne l’eurodéputé Jean Arthuis.
UE en crise. La France saisit le Cour de justice pr savoir si le budget doit être voté à Strasbourg ou à Bruxelles. Pathétique et dérisoire!
— Jean Arthuis (@JeanArthuis) February 10, 2017
Mais pas pour le gouvernement français. « L’Europe c’est une communauté de droit avant tout. L’actualité ne doit pas faire vaciller la solidité de ses bases juridiques » avance une source, en rappelant que lorsque la Commission a lancé la procédure contre l’aide d’État de l’Irlande envers Apple, personne ne lui a reproché de s’occuper d’autre chose que des sujets brûlants.
Problème de calendrier
Au Parlement européen, on évoque un problème de calendrier. «L’accord sur le budget a été adopté le 16 novembre, le mercredi soir avant la session, il n’était pas possible en deux jours d’effectuer les traductions et les contrôles juridiques » avance Marjory van den Broeke, responsable de la presse au Parlement européen. L’institution met aussi en avant une autre contrainte découlant des traités : les textes prévoient que le budget soit voté par le Parlement dans les 14 jours suivant l’accord établi entre le Conseil et le Parlement européen. Voter le budget en décembre n’était donc pas possible juridiquement, selon le Parlement.
Le recours de la France devrait prendre de longs mois, et son sort n’est pas si certain que cela, puisque le Parlement européen a des arguments techniques et juridiques.
Mais ce coup d’éclat devrait toutefois permettre à la France d’avoir gain de cause sur l’ordre du jour des sessions cette année. En 2016, l’Hexagone avait essuyé un camouflet, après avoir réclamé sans succès auprès du président du Parlement européen une modification de l’ordre du jour.
Des attaques « insidieuses »
Parmi les partis français, c’est d’ordinaire la droite qui défend le mieux le siège strasbourgeois du Parlement européen. L’eurodéputée Les Républicains Anne Sander n’hésite d’ailleurs pas à applaudir la décision du gouvernement socialiste. « Respecter les traités, c’est une source de stabilité, surtout si l’UE est en danger. Voter le budget représente un acte démocratique fort, donc il est important que la France envoie un signal politique en rappelant les textes » assure l’élue.
Le nouveau président du Parlement européen, Antonio Tajani, s’est montré très légitimiste au sujet du siège du Parlement européen lors de sa première session en tant que président. Lundi 13 février, lors de l’adoption de l’ordre du jour, il a fait valoir que les traités prévoyaient que la session plénière dure jusqu’à jeudi soir, face à une demande de déplacement de débat sur l’instauration d’un péage routier en Allemagne de jeudi à mercredi après-midi. Les eurodéputés ont néanmoins eu gain de cause lors du vote. Beaucoup d’élus ont pour habitude de voyager lundi et jeudi après-midi pour ne rester que 2,5 jours complets à Strasbourg.
Côté français, on reconnaît que le siège français du Parlement européen n’est pas sans poser de problèmes logistiques. Le manque d’hôtel et de transport est une source de courroux régulier des eurodéputés.
« Les attaques contre le siège de Strasbourg sont insidieuses, on ne traite jamais du sujet en frontal, mais au détour d’un autre sujet » note Anne Sander, dont le groupe LR tient à s’opposer, lors du vote du rapport Verhofstadt sur la réforme de l’Europe jeudi 16 février, aux amendements 52 et 53 qui critiquent le siège de Strasbourg.