Cet article fait partie de l'édition spéciale Vers une agriculture durable : entre la PAC et le Pacte vert pour l’Europe.
Les stratégies de la Commission européenne destinées à promouvoir une politique alimentaire plus durable – dans le cadre du Green deal européen – ont mis en alerte l’agriculture espagnole, qui y voit des opportunités, mais également des menaces. Un article d’Efeagro.
L’Espagne présente à la fois des aptitudes et des faiblesses lorsqu’il s’agit de tirer parti de la transition vers une production alimentaire plus durable, telle qu’elle est prévue dans la stratégie « De la ferme à la table », inscrite dans le cadre du Green deal européen et de la nouvelle politique agricole commune (PAC).
La coalition « Pour une autre PAC » estime que l’Espagne a « le potentiel » pour mener cette transformation, grâce au développement de son agriculture biologique ou à la diversité de ses cultures. Mais l’Alliance pour une agriculture durable (ALAS), qui représente les organisations majoritaires, prévient pour sa part que les exigences de Bruxelles arrivent à un moment inopportun, en raison de la pandémie, et menacent la compétitivité de l’agriculture nationale.
Les deux organismes s’accordent sur le fait que l’Espagne a besoin de davantage d’aide pour évoluer vers ce nouveau modèle durable.
Défis
Les stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité » s’inscrivent dans le cadre du Green deal, dont l’ambition est de faire de l’UE une économie neutre en CO2 d’ici à 2050.
La stratégie « De la ferme à la table » fixe des objectifs tels que la réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides, la réduction de 20 % de l’utilisation des engrais, la réduction de 50 % de la vente d’antibiotiques pour le bétail et l’aquaculture et stipule qu’au minimum 25 % des terres agricoles doivent être consacrées à la production biologique.
Dix mois après sa présentation, les organisations agricoles mettent en garde contre son impact et critiquent le fait de devoir répondre à « davantage d’exigences avec moins de fonds ».
La coalition « Pour une autre PAC » – qui regroupe une trentaine d’organisations des secteurs de l’agriculture biologique, de l’élevage extensif, des ONG et des experts en alimentation – soutient la stratégie et estime qu’elle constitue « un premier pas » vers cette transition. Son porte-parole, Fernando Viñegla, souligne qu’en Espagne, il existe des exemples montrant qu’« il s’agit d’une réalité » car « un changement est déjà en cours ».
L’Espagne est le pays de l’UE qui possède la plus grande superficie consacrée à l’agriculture biologique, avec 2,35 millions d’hectares. Au niveau mondial, elle se classe troisième, devancée seulement par l’Australie et l’Argentine, selon l’association professionnelle espagnole de la production biologique (Ecovalia).
La Catalogne, l’Andalousie et la Navarre ne sont pas loin d’atteindre les 25 % de surface consacrée à l’agriculture biologique que prône l’exécutif européen.
« La stratégie est une grande opportunité pour l’Espagne, un pays vulnérable au changement climatique. Plus tôt nous travaillerons sur des alternatives durables, moins l’impact sera profond », estime Fernando Viñegla, qui inscrit également la diversité de la production, et notamment l’élevage extensif, au rang des avantages.
« Le modèle agricole actuel est sur le point de s’effondrer et ne résout pas des problèmes tels que l’exode rural, il faut des solutions », ajoute-t-il.
Il affirme cependant qu’en matière de soutien public, l’Espagne est moins bien placée que « d’autres pays comme la France ou l’Allemagne, qui « parient davantage » sur les investissements « verts » et sur une PAC fondée sur une plus grande participation des territoires. »
« Une balle dans le pied », selon les organisations agricoles
À l’inverse, les organisations agricoles espagnoles avertissent que les propositions avancées reviennent à « tirer une balle dans le pied de l’UE » et mettent en danger sa capacité à garantir l’approvisionnement alimentaire, souligne Pedro Gallardo, le président d’ALAS.
L’ALAS – qui regroupe l’Asaja, la COAG, l’UPA, les Coopératives agroalimentaires et l’association patronale des exportateurs de fruits et légumes Fepex – estime qu’il n’est pas possible d’augmenter les exigences envers les agriculteurs « s’il n’y a pas davantage d’aides ».
Pedro Gallardo affirme en outre que les mesures environnementales de la PAC, que le gouvernement examine dans le cadre des plans nationaux, nécessitent une aide supplémentaire.
En ce qui concerne la stratégie « De la ferme à la table », Pedro Gallardo souligne qu’en Espagne, les besoins en matière de produits phytosanitaires sont plus importants « qu’en Finlande ou dans les pays de la mer Baltique », en raison du climat et de la proximité de l’Afrique, où « l’on ne respecte pas les mêmes exigences environnementales ».
En ce sens, il affirme que la réduction des produits phytosanitaires proposée par la Commission européenne revient à promouvoir une politique de santé publique « avec une réduction de 50% des médicaments qui se trouvent en pharmacie ».
L’ALAS soutient que l’UE doit accroître sa productivité et promouvoir des « outils d’innovation » tels que l’édition génétique.
Dans le même ordre d’idées, un rapport de PWC sur l’agriculture en Espagne souligne que les solutions pour sa durabilité sont : l’utilisation de nouvelles technologies, de nouvelles variétés, de techniques d’édition génétique et un fort engagement dans le domaine de la recherche.