Le plan Juncker pourrait avoir des effets pervers sur la politique régionale

Le Comité des régions à Bruxelles - © European Union / CoR

Cet article fait partie de l'édition spéciale Le Plan Juncker et les Régions.

Pour encourager les États membres à participer financièrement au plan Juncker, la Commission s’est engagée à sortir leurs contributions éventuelles du calcul de leur déficit. Mais les régions craignent que la clémence de Bruxelles ne détourne l’argent public des fonds structurels. 

Le renforcement de l’investissement au sein de l’Union européenne via le plan Juncker de 315 milliards d’euros pourrait ne pas être une bonne nouvelle pour tout le monde.  

Parmi les inquiets figurent les régions françaises, principales gestionnaires en France des fonds structurels européens, qui craignent de voir cette politique desservie par le plan Juncker.

En France, les régions viennent d’hériter de la gestion d’une importante partie de la manne de  15,9 milliards d’euros allouée à la politique de cohésion pour la période 2014-2020. C’est aussi le principal outil d’investissement de l’UE en faveur de la création d’emploi et de la croissance.

Additionalité garantie

Face aux inquiétudes des autorités régionales, la commissaire européenne à la politique régionale, Corina Cretu, a garanti que les fonds du Plan Juncker viendraient s’ajouter à ceux de la politique de cohésion, et ne grignoteraient pas les fonds structurels.

À l’occasion de la 140e session plénière du Comité des Régions qui s’est tenue le 5 décembre, la commissaire a tenté de rassurer. «  Au cours des discussions, certains représentants ont expliqué craindre que le plan d’investissement ne détourne l’argent des politiques de cohésion existantes. Je souhaite dissiper ces inquiétudes : il n’y a pas de chevauchements entre le fonds européen d’investissement et les fonds structurels » a-t-elle affirmé.

Une mise au point qui aura eu le mérite de rassurer – en partie- les représentants des régions françaises. « Il n’y a pas d’argent prélevé sur le budget de la politique de cohésion, c’est déjà une bonne nouvelle ! » se félicite une source au sein de la région Ile-de-France

Si l’additionalité entre les deux dispositifs semble garantie par la Commission européenne, ils pourraient cependant se retrouver en situation de concurrence.

Possibles victimes collatérales 

En effet,  la Commission a confirmé mi-janvier qu’elle ne prendrait pas en compte les contributions nationales au plan d’investissement dans le calcul du déficit des États membres participants.

>>Lire : Bruxelles prêt à la clémence envers les États contribuant au plan Juncker

Dans une communication distincte publiée le 13 janvier,  la Commission a précisé que les contributions des États membres au Fonds européen pour les investissements stratégiques, bras armé du plan Juncker, ne seront pas prises en compte au moment d’évaluer l’ajustement budgétaire dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.

Ce qui donne un avantage concurrentiel certain au plan Juncker pour attirer l’argent des États membres, au détriment de la politique de cohésion qui n’auront pas le même attrait pour l’Etat.

« Le  problème est connu » concède le porte-parole de la Commission pour la politique régionale. « Mais les régions doivent aussi se saisir du plan d’investissement, qui représente une opportunité pour elles » poursuit-il. 

Certains, au sein des conseils régionaux voient davantage dans le plan Juncker une fenêtre de tir pour négocier également l’exclusion de la part de cofinancements nationaux du calcul du déficit public, lorsqu’ils viennent compléter des projets bénéficiant d’un financement de la politique régionale. Une demande de longue date.

 « Les régions françaises vont se mobiliser pour que la déductibilité des contributions nationales au financement de projet soient thématiques (par exemple pour la transition énergétique, le transport, etc… et pas seulement réservées aux investissements consentis via le plan d’investissement » explique une source proche du dossier.

Articulations possibles

?Dans un mémo explicatif, la Commission européenne tente de proposer des pistes pour concilier les deux dispositifs d’investissement. Elle explique par exemple que les fonds structurels européens peuvent être utilisés par les États membres pour investir dans les projets financés par le plan d’investissement.

Les États membres, mais aussi les régions sont encouragées à utiliser les fonds régionaux dont elles disposent sous forme de prêts, de fonds propres et de garanties afin d’en démultiplier l’effet. L’objectif affiché est de doubler le recours des fonds structurels à ces instruments financiers pour la période 2014-2020.

Autre main tendue envers les région, la Commission européenne a lancé le 19 janvier en partenariat avec la banque européenne d’investissement une cellule d’information à destination des autorités régionales. Baptisée fi-compass, elle a pour ambition d’orienter et d’accompagner les régions européennes souhaitant porter des projets dans le cadre du plan Juncker. 

Objectif assumé, passer au-dessus des dispositifs parfois très centralisés des États membres en permettant aux régions de porter directement leurs projets auprès de l’UE. 

>>Lire : Les Etats-membres veulent des garanties pour abonder le plan Juncker

La Commission a dévoilé en novembre 2014 le mécanisme de son nouveau plan d'investissement de 315 milliards d'euros.

L'argent qui alimentera ce plan sera investi prioritairement dans les pays du sud de l'Europe, durement touchés par la crise, dans un mouvement de solidarité entre les États membres.

>> Lire : La Commission dévoile son plan d'investissement de 315 milliards d'euros

L'idée sur laquelle a travaillé l'équipe du vice-président de la Commission, Jyrki Katainen, est celle de créer un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques à partir de 5 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) et la garantie d'une contribution 8 milliards d'euros de fonds européens existants, contribution susceptible d'être élargie jusqu'à 16 milliards.

La garantie de 8 milliards d'euros sera injectée sur trois ans et proviendra du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (3,3 milliards), du programme de recherche Horizon 2020 (2,7 milliards) et d'une « marge budgétaire », c'est-à-dire des fonds non utilisés (2 milliards).

Le fonds pour les investissements stratégiques, de 21 milliards d'euros au départ, devrait générer quelque 240 milliards en investissements à long terme et 75 milliards pour les PME et les sociétés de moyenne capitalisation sur deux ans, entre 2015 et 2017.

La question du manque de liquidité se pose cependant, et certains eurodéputés ont qualifié le plan de « recyclage et réétiquetage » de programmes existants.

>> Lire : Le plan d’investissement de Juncker arrivera-t-il à générer assez de liquidités ?

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