Une tribune d’Aymeric Chauprade appelant à « éliminer » les jihadistes de nationalité française n’a fait l’objet d’aucune réaction de la part du Parlement européen. L’institution n’a pas les moyens de sanctionner les propos des élus tenus hors de ses murs.
Un appel à l’élimination des ressortissants français partis combattre en Syrie et en Irak lancé par un eurodéputé français a fortement interpellé jusque dans les rangs de son propre parti politique, le Front national.
Dans une Tribune intitulée « La France face à la question islamique : les choix crédibles pour un avenir français », l’eurodéputé Aymeric Chauprade fraîchement élu défend des positions extrémistes sur les jihadistes de nationalité française.
« Nous savons que près de 1000 jihadistes disposant de la nationalité française sont partis combattre en Syrie et en Irak […].Nous devons les éliminer in situ et ce devrait être le rôle de nos services spéciaux de s’en occuper dès maintenant. Nous ne pouvons prendre le risque d’attendre qu’ils reviennent » écrit l’eurodéputé.
Parmi les autres positions prise dans sa tribune, Aymeric Chauprade propose la mise en place d’une « préférence chrétienne » en matière d’asile et appelle à l’inversion des flux migratoires. « Notre pays a accueilli des millions de musulmans. Une partie restera, une autre devra partir » écrit-il notamment.
Désavoué par le FN
Les propos d’Aymeric Chauprade, qui occupe également le poste de conseiller Affaires internationales auprès de Marine Le Pen, la présidente du Front national, ont été partiellement désavoués par ses colistiers.
Florian Philippot, eurodéputé et vice-président FN, s’est entre autres déclaré opposé à l’élimination des jihadistes. « On peut envisager une kyrielle de mesures: déchéance de nationalité, faire travailler nos services de renseignement, la justice, renforcer considérablement les peines. Mais dans le cadre de l’État de droit », a-t-il précisé à l’AFP.
Impuissance du Parlement européen
Pour le député européen, les conséquences du manifeste devraient cependant s’arrêter aux portes du Parlement européen. En effet, rien ne permet à l’institution de condamner ou de sanctionner un élu pour des propos tenus hors de l’exercice de son mandat.
Le code de conduite des députés est évoqué de façon assez vague dans le règlement du Parlement européen, dont l’article 11 indique entre autres que « le comportement des députés est inspiré par le respect mutuel, et repose sur les valeurs et principes définis dans les textes fondamentaux de l’Union européenne ».
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Le non-respect de ces principes peut entrainer certaines sanctions sur décision du président du Parlement européen. Partant du simple « blâme », elles peuvent aller jusqu’à la suspension d’un des mandats occupés par l’eurodéputé concerné.
Depuis la montée en puissance des partis d’extrême droit lors des élections européennes de mai 2014, et notamment celle du Front national qui a remporté 24 sièges contre 3 sous la mandature précédente, les craintes des dérapages se font sentir.
« Ça risque d’être un festival » reconnait-on du côté du Parlement. Le 16 juillet, lors d’un débat en séance plénière sur le chômage des jeunes, l’eurodéputé polonais Janusz Korwin-Mikke, chef de file du parti d’extrême –droite KNP (Coalition de la nouvelle droite) a décrit les jeunes chômeurs comme « les nègres de l’Europe ».
Le dérapage de Janusz Korwin-Mikke, un temps envisagé comme allié potentiel du Front national, a été condamné par le Président du Parlement européen, Martin Schulz.
Mais au-delà des prises de position en séance la marge de manœuvre du Parlement est très réduite. « Ce qui est possible, c’est qu’il y ait une plainte et qu’Aymeric Chauprade soit poursuivi. A ce moment-là, le Parlement pourrait décider de lever son immunité parlementaire » explique une source au Parlement européen.