Malgré une journée de négociation marathon à Paris, Hollande et Cameron n’ont pu gommer leur divergences en matière de gouvernance économique.
Le brûlant débat sur le Brexit, qui doit accaparer les chefs d’États réunis en Conseil européen en fin de semaine, s’est concentré à Paris lundi. Après le président du Conseil européen, Donald Tusk, venu rencontrer François Hollande en début d’après-midi, le Premier ministre britannique s’est à son tour rendu à l’Élysée dans la soirée, après avoir rencontré les eurodéputés britanniques, à Bruxelles.
Si le débat se concentre dans la capitale française, c’est que le bras de fer entre l’UE et le Royaume-Uni s’est transformé, ces dernières semaines, en affrontement entre Paris et Londres. Le président François Hollande a notamment tracé des « lignes rouges », montrant que la France, et certains de ses partenaires ne sont absolument pas prêts à signer le document proposé par Donald Tusk, et qui accorde un certain nombre de concessions supplémentaires au Royaume-Uni.
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Parmi les trois principales revendications du Royaume-Uni, qui concernent les allocations des migrants, la gouvernance économique et l’union toujours plus étroite des pays européens, le second point est celui qui pose le plus de problèmes à la France.
« Nous ne cherchons pas à imposer de veto à quoi que ce soit. Ce sujet a été mal compris » assure une source britannique, indiquant que le Royaume-Uni craint de voir ses services financiers mis à l’écart en cas d’intégration plus poussée de la zone euro. C’est donc pour défendre le marché intérieur de l’UE que le Royaume-Uni réclame d’avoir son mot à dire sur la zone euro, même si la méthode peut surprendre. En effet, le texte actuellement en négociation se propose de revenir sur le « single rule book » qui est le socle de l’Union bancaire, et qui prévoit que la régulation des banques soit unique.
Les banques françaises sont montées au créneau la semaine dernière, pour dénoncer les propositions actuellement sur la table, qui fourniraient des avantages aux banques britanniques, selon elles. La Fédération bancaire française craint pour « l’intégrité du marché intérieur et l’égalité de concurrence entre acteurs financiers » : des arguments qui sont exactement ceux de ses concurrents anglo-saxons…
Au sein du document proposé par Tusk, le Royaume-Uni se propose de reprendre la main sur la supervision des banques installées au Royaume-Uni. « En cas de faillite bancaire, c’est le contribuable britannique qui sera mis à contribution. Donc nous voulons aussi avoir notre mot à dire sur la régulation » explique la source britannique.
Cette revendication est aussi mal perçue par les europhiles, comme la député européenne Sylvie Goulard. « S’il n’y a plus de règles communes dans le marché intérieur des services financiers, il n’y a plus de marché intérieur du tout ! » constate l’élue dans une interview aux Echos.
La France n’est pas la seule à craindre que le Brexit ne pénalise l’industrie financière. Selon une source à la Banque centrale européenne, les renégociations qui risquent de s’entrouvrir si les Anglais choisissent de sortir, créeraient « de l’incertitude sur les marchés financiers, et plus précisément pour les banques ».
La nature même des revendications britanniques, qui ne sont qu’un accord du Conseil européen mais prétendent avoir la valeur d’un traité selon le texte, représentent une autre source d’incertitude pour la Banque centrale européenne. « On est dans le flou le plus total, ce que les marchés détestent. Si l’on doit attendre un arbitrage de la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir si l’accord a valeur de traité ou non, on va ajouter de la volatilité » assure-t-on à la BCE.