Lors du dernier discours de Juncker sur l’état de l’Union, les groupes politiques ont fait leur propre bilan de la présidence du Luxembourgeois et listé leurs priorités pour la campagne électorale à venir.
L’Europe se rendra aux urnes en mai de l’année prochaine et les groupes politiques se préparent déjà pour la campagne. Le discours de Jean-Claude Juncker le 12 septembre a été l’occasion pour les parti européen de placer les premiers jalons de la campagne électorale des Européennes.
Les eurodéputés ont largement rendu hommage l’« esprit européen » de l’actuel président de la Commission, mais ont appelé à une Europe alternative lors des élections européennes.
Manfred Weber, chef de file du Parti populaire européen, qui a annoncé son intention de briguer la présidence de la Commission européenne l’année prochaine, s’est inclus dans le succès des politiques de la Commission.
« Nous avons créé de la croissance et une bonne perspective pour l’avenir », a-t-il déclaré, soulignant la diminution des flux migratoires et des taux de chômage, ainsi que les politiques économiques qui ont stimulé la croissance.
Manfred Weber s’en est toutefois pris au commissaire Pierre Moscovici, qui appartient à une autre famille politique.
« Je ne crois pas que Dijssembloem, Tsipras ou même Moscovici aient proposé une alternative à notre manière de gérer les défis qui étaient face à nous », a-t-il déclaré.
Les priorités du leader du PPE sont une taxation équitable et un nouvel accord pour le marché du travail européen. Deux dossiers qui feront partie de son programme pour les élections.
Manfred Weber n’a pas été le seul à placer ses pions pour la campagne électorale – le chef de file de l’ALDE, Guy Verhofstadt est aussi entré dans la partie.
« Diriger l’Europe n’est pas une question de puissance mathématique, c’est aussi une question d’autorité morale », a déclaré Guy Verhofstadt, par rapport aux divisions internes au PPE sur le déclenchement de l’article 7 contre le gouvernement de Viktor Orban en Hongrie.
« Vous aviez dit qu’il s’agissait de la Commission de la dernière chance », a-t-il rappelé, faisant référence au discours de Jean-Claude Juncker en 2014. « L’Europe a désormais besoin d’un nouveau type de gouvernement européen » pour approfondir l’héritage de cette Commission. C’est le travail que nous proposons à l’électorat. »
Pour Guy Verhofstadt, cette alternative pourrait prendre la forme de l’alliance proposée par le président français Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne. L’ALDE est en train de négocier pour potentiellement unir leurs forces pour les élections européennes.
Une Europe plus sociale
La gauche européenne a critiqué le peu d’importance que Jean-Claude Juncker a accordé dans son discours au pilier social qu’il avait promis de construire il y a quatre ans, et le manque d’ambition de ses politiques sociales.
Pour le dirigeant du groupe des sociaux-démocrates (S&D), Udo Bullmann, même si Jean-Claude Juncker est un « véritable leader politique », l’Europe n’est pas encore sortie des crises de ces dernières années. Migration, changement climatique, division entre le nord et le sud et l’est et l’ouest, manque de développement d’une Europe sociale sont des problématiques encore d’actualité. Ses propos ont été repris par la présidente de la gauche (GUE), Gabriele Zimmer.
« Pouvons-nous dire aujourd’hui que la crise économique est derrière nous ? Pouvons-nous dire que nous sommes prêts pour tous les défis de l’avenir pour que nos citoyens vivent avec une sécurité sociale et dans la solidarité ? La réponse est clairement non », a-t-elle asséné.
Udo Bullmann, la co-présidente des Verts, Ska Keller et Gabriele Zimmer ont demandé à Jean-Claude Juncker de travailler sur l’approfondissement de l’Europe sociale, qui devrait aider à contrer la montée du populisme au nord comme au sud du continent.
« Nous n’avons pas besoin de belles déclarations et d’intentions, nous avons besoin d’une Europe sociale », a souligné Ska Keller. Et Gabriele Zimmer de renchérir : « Dix ans après le début de la crise financière, le niveau de prospérité d’avant la crise n’a pas encore été atteint et peu de citoyens bénéficient de la timide croissance. »
Ska Keller estime par ailleurs qu’il faut accorder plus d’importance aux questions du changement climatique dans l’agenda de la Commission. « Nous avons vu cet été que le changement climatique est en train de se passer », a-t-elle déclaré. « La bonne nouvelle c’est que nous savons quoi faire. La mauvaise nouvelle c’est que nous ne le faisons pas. »
Pour elle, les plus grandes menaces planant sur l’Europe viennent de l’intérieur, avec la montée du nationalisme et du populisme.
Montée de l’euroscepticisme
Changeant le ton du débat, les membres eurosceptiques du Parlement européen ont déclaré que les prochaines élections seraient un référendum sur l’existence même de l’Union européenne.
« L’UE est-elle en meilleure forme maintenant que lorsque vous êtes entrés en fonction ? Je crois que la réponse est claire : non », a commenté le conservateur polonais Ryszard Legutko qui affirme que le mécontentement des citoyens envers l’UE grandit au fil des années.
« Vous êtes un homme charmant, mais quand vous avez prononcé votre discours je me suis dit : mon dieu, nous vivons vraiment dans deux mondes différents », a-t-il poursuivi. Ce à quoi Jean-Claude Juncker a répondu qu’il ne voulait pas vivre « dans ce monde fait de haine ».
Le Britannique Nigel Farage a accusé le président de la Commission d’essayer de centraliser de plus en plus le pouvoir en Europe avec ses propositions. Pour lui, le peuple « n’a pas le sens de l’identité européenne, mais un grand sens de l’identité nationale. »
Selon lui, là se trouve la ligne rouge entre la vision de Jean-Claude Juncker de l’Europe et « ce que les électeurs ont exprimé à plusieurs reprises ». Le véritable état de l’Union, souligne l’eurodéputé PPE Janusz Lewandowski « nous le verrons au moment des résultats des élections en 2019 ».