Majorités incertaines et votes imprévisibles, la structure du pouvoir à Strasbourg a connu un changement radical à la suite des élections européennes. Les libéraux du groupe Renew Europe occuperont une position cruciale et les eurodéputés allemands auront le plus d’influence.
Le temps de la majorité claire est révolu au Parlement européen. En témoignent les deux premiers votes lors de l’élection des présidents de la Commission européenne et du Parlement.
Les deux groupes principaux du Parlement européen, le PPE (parti populaire européen) et le S&D (socialistes et démocrates), devront mieux collaborer avec les autres groupes politiques, puisqu’à eux deux ils ne disposent plus de la majorité absolue. En outre, il y a désormais 96 députés allemands à Strasbourg.
« Les eurodéputés allemands, qui auront énormément d’influence dans le processus décisionnel du Parlement européen, ne seront plus uniquement des membres du S&D et du PPE », a dévoilé Truan Aguirre du cabinet de consultance EPPA. Pendant les cinq prochaines années, les eurodéputés respectés et influents seront de tous les partis allemands.
Acteurs en arrière-plan
Les raisons sont multiples. Selon Truan Aguirre, certains députés allemands ont acquis une grande expérience au Parlement européen, tandis que de nombreux nouveaux députés ont une grande expertise. En outre, les eurodéputés allemands, quelle que soit leur affiliation politique, se sont forgé une réputation de partisans du compromis — une compétence très appréciée au sein du Parlement européen.
L’eurodéputé conservateur Andreas Schwab, coordinateur de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, Angelika Niebler de l’Union chrétienne sociale allemande (CSU), membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie et parmi les plus petits partis, Ulrike Müller, du parti des Électeurs libres (Freie Wähler) feront partis des eurodéputés influents dans ces commissions.
Renew Europe et les Verts ont le vent en poupe
Les Verts – qui ont opéré une véritable percée électorale en Allemagne et dans d’autres Etats membres – pourraient avoir l’occasion d’occuper la présidence du Parlement européen dans deux ans et demi. Si cela se produit, l’Allemande Ska Keller est la favorite de Truan Aguirre pour le poste.
Les sièges supplémentaires permettent aux Verts de contribuer à l’élaboration des politiques européennes. « Pour nous, cela signifie que nous pouvons résoudre de nombreuses problématiques de façon plus efficace », a déclaré Ska Keller, eurodéputée allemande pour les Verts et ancienne Spitzenkandidate du groupe. À ses yeux, surmonter les obstacles plus efficacement pourrait fonctionner pour des problèmes où il y a une majorité centre-gauche, autrement dit des sujets comme la migration, le sauvetage en mer et le climat.
Le groupe Renew Europe est cependant considéré comme faiseur de rois parmi les groupes parlementaires, selon l’organisation VoteWatch Europe, qui a pour mission d’analyser le Conseil et Parlement européen. L’organisation publie régulièrement une liste des 100 eurodéputés les plus influents.
Toutefois, les positions que le groupe libéral prendra sur certains sujets ne sont pas encore clairement définies. En tant que successeur de l’ALDE, le groupe œuvrera probablement pour une libéralisation du marché.
Cependant, les eurodéputés français, nombreux dans le groupe, émettent des réserves concernant la dérégulation économique.
D’après Davide Ferrari, le groupe suivra sûrement le groupe PPE concernant les questions économiques, mais il pourrait se ranger derrière le S&D pour les questions climatiques et migratoires. « Nous devons néanmoins attendre de voir comment la dynamique interne du groupe évolue », a-t-il ajouté.
Sur cette nouvelle mandature, les eurodéputés français et espagnols devraient voir leur influence croître. Mais, ce sont les eurodéputés allemands qui pèseront le plus dans la balance, notamment car l’Allemagne a le plus gros contingent d’élus au Parlement européen.
La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen teste actuellement les différentes majorités sur plusieurs sujets. C’est une pratique cruciale pour le développement du programme de travail de la Commission.