Les réformes proposées par Emmanuel Macron sont au centre des négociations de coalition entre le CDU, le CSU et le SPD, à Berlin. L’issue de ces négociations est cruciale pour la réalisation des projets européens du président français. Un article de notre partenaire, Der Tagesspiegel.
Les négociations qui devraient permettre de former un gouvernement de coalition en Allemagne sont en cours. Chaque journée de discussion s’articule autour d’un thème. Au deuxième jour des négociations, il s’agissait de l’avenir de l’UE.
Premiers résultats : climat et impôts
Le gouvernement avait espéré garder la teneur des pourparlers secrète durant les cinq jours de discussion. Pourtant, dès lundi, le moulin à rumeurs s’est mis à tourner, et le public a notamment appris que les trois partis estiment que l’objectif climatique allemand pour 2020 n’est pas atteignable.
Autre information à filtrer : le taux d’impôt le plus élevé, 42 %, ne s’appliquera à l’avenir qu’aux personnes gagnant plus de 60 000 euros, au lieu des 53 700 actuels. Cette décision du groupe de travail sur l’impôt et la finance n’est pas surprenante. En effet, les démocrates-chrétiens et le SPD veulent tous faire un geste en faveur des travailleurs qualifiés.
Si dans les faits la mesure ne changera pas énormément de choses pour les individus concernés, elle envoie le message symbolique que le citoyen travaillant en chaine d’assemblage dans l’industrie automobile n’est plus considéré comme gagnant beaucoup d’argent par l’État.
Divergences d’opinions sur l‘Europe
L’Europe est un sujet très important pour deux des partenaires potentiels. Martin Schulz, ancien président du Parlement européen et dirigeant du SPD, a ainsi déclaré que la progression de l’intégration européenne était l’un des chevaux de bataille de son parti. À l’inverse, les membres du CSU, et particulièrement les proches d’Alexander Dobrindt, adoptent une attitude plus sceptique vis-à-vis de « Bruxelles ».
On imagine la chancelière, Angela Merkel, dans ses petits souliers entre ces deux positions tranchées. Elle préférerait également pouvoir répondre positivement à certaines des propositions avancées par Emmanuel Macron.
En s’associant avec le SPD, la chancelière a cependant plus de chance d’arriver à trouver un compromis qu’avec le FDP, avec qui une coalition a été envisagée. Christian Lindner, le dirigeant de ce parti libéral, avait en effet rejeté le compromis proposé par ses propres experts en affaires européennes.
Les sociaux-démocrates avec Macron
Pour le président français, l’issue des négociations de coalition est donc lourde d’enjeux. Il tente en effet de trouver des alliés prêts à le soutenir dans ses démarches de réforme, et est bien conscient de dépendre des sociaux-démocrates allemands. Après l’échec des négociations précédentes, pour une coalition dite « Jamaïque », avec le FDP et les Verts, il a d’ailleurs vivement encouragé Martin Schulz à accepter d’envisager une nouvelle coalition avec la CDU, au nom de l’avenir de l’Europe.
Le dirigeant du SPD soutient les idées d’Emmanuel Macron, avec qui il entretient des relations cordiales. Une alliance progressiste sur l’UE avec la CDU lui permet cependant aussi de marquer des points au niveau national, justifiant ainsi le fait d’avoir changé d’avis quant à une union avec les sociaux-démocrates.
Pour autant, Martin Schulz n’exige pas la transformation de l’UE en « États-Unis d’Europe » d’ici 2025, comme il l’avait proposé lors de la conférence de son parti en décembre. Le parti socialiste se borne à réclamer « des progrès substantiels et concrets vers une Europe sociale ».
Toute initiative de budget de la zone euro avancée par Paris devra inclure le gouvernement allemand. Un « programme d’investissement européen de grande ampleur », l’introduction d’un salaire minimum et l’affaiblissement des paradis fiscaux sont autant de mesures qui seraient nécessaires. Étant donné les récentes évolutions comme le Brexit ou le développement d’une politique de défense et de sécurité communes, l’UE devra en effet trouver davantage de ressources propres, en plus d’une augmentation des dotations nationales, estiment les socialistes.
Les négociateurs du SPD ont examiné de près ce que la CDU/CSU avait convenu sur l’Europe dans les pourparlers de la Jamaïque avec le FDP et les Verts. Les protocoles mentionnent à ce sujet un renforcement de l’Union économique et monétaire et des investissements « adéquats ».
Les libéraux avaient toutefois rejeté la proposition de Macron de créer un budget distinct pour la zone euro, afin de financer les investissements futurs et l’aide d’urgence pour les pays en crise économique. À l’époque, le FDP s’était opposé à la phrase selon laquelle, même s’il n’y avait pas de transfert automatique ou de consolidation de dettes, il serait toujours nécessaire de remédier aux situations d’urgence dans les différents États de l’UE.