EXCLUSIF / Quatre mois après avoir remporté le prix Nobel de la paix pour son rôle dans la réconciliation d’une Europe déchirée par la guerre, l’Union européenne, sous la pression du premier ministre britannique, David Cameron, envisage de réduire le fonds destiné à la promotion de la paix en Irlande du Nord, a cru comprendre EURACTIV.
La violence sectaire récente qui a blessé des dizaines de policiers en Irlande du Nord démontre que la région a toujours besoin du fonds européen destiné à promouvoir la paix. Ce fonds pourrait toutefois être mis en danger par des gouvernements qui tentent de réduire le budget, ont déclaré des représentants irlandais hauts placés à EURACTIV.
Johannes Hahn, le commissaire européen en charge de la politique régionale, a organisé la conférence jeudi (31 janvier) afin d'exposer le travail accompli grâce aux fonds européens dans la facilitation du processus de paix et la manière dont ils pourraient servir d'exemple à d'autres zones de conflits.
Les fonds régionaux, le deuxième plus grand domaine de dépenses de l'UE, sont toutefois la cible d’États membres qui souhaitent réduire le cadre financier pluriannuel (CFP), le budget à long terme de l'UE pour 2014-2020.
M. Hahn a indiqué qu'une grande partie des fonds européens seraient destinés aux jeunes de la classe ouvrière mêlés aux émeutes et qui estiment être perdants dans l'accord sur le partage du pouvoir du gouvernement.
Les chefs d'État de l'UE se réunissent à Bruxelles cette semaine afin de négocier un accord sur le financement de l'Union pour la période 2014-2020, après une première tentative manquée en novembre 2012. David Cameron est à la tête des pays qui font pression en faveur de coupes supplémentaires des dépenses de l'UE.
Peter Robinson, le premier ministre de l'Irlande du Nord, et Martin McGuinness, le vice-premier ministre, tentent d'augmenter le financement de PEACE 4, la dernière proposition de programme de financement de l'Irlande du Nord, a déclaré Martina Anderson, ministre déléguée de M. McGuinness, à EURACTIV en marge de la conférence à laquelle ont assisté les chefs de gouvernement.
Malgré l'embrasement récent des tensions, une augmentation du montant proposé semble impossible, car les gouvernements européens resserrent les cordons de leur bourse en période de crise économique. Les ministres européens des finances seront en outre parfaitement conscients de l'ironie qui réside dans l'allocation de fonds régionaux de l'UE à une initiative soutenue par le gouvernement britannique.
« Il n'existe aucune garantie », a déclaré Pat Colgan, le directeur général de l'organe des programmes particuliers de l'UE (SEUPB), à EURACTIV en marge d'une conférence sur le processus de paix à Bruxelles. « Les négociations sont en cours. Il existe une volonté forte de la part de la Commission [européenne] sur la nécessité d’avoir un programme pour la paix. »
Pat Colgan, responsable de la gestion du fonds européen pour la paix, a indiqué que le soutien des gouvernements britanniques et irlandais ainsi que de l'exécutif européen avait « été mis en place » et que l'objectif était que PEACE 4 prenne de l'ampleur en amont des négociations sur le budget de l'UE.
« Mais on n'est jamais certain », a-t-il ajouté. « Nous devrons attendre et voir. »
L'eurodéputée Martina Anderson a déclaré que MM. Robinson et McGuinness étaient « très attentifs à tout ce qu'il se passe dans les négociations [sur le budget de l’UE] et à toutes ces difficultés ».
>> Lire : Les positions toujours « assez éloignées » au sommet du budget de l’UE
Le commissaire Johannes Hahn s’est fait l’écho des préoccupations quant à l'avenir des fonds pour le processus de paix dans le budget de l'UE.
« Tout le monde ici sait que les négociations budgétaires actuelles sont difficiles et que la pression sur les finances de l'UE est intense […] Nous espérons disposer d'un budget raisonnable afin de pouvoir poursuivre les travaux. Je ne suis pas content des coupes », a-t-il déclaré.
Le SEUPB devrait débloquer quelque 200 millions d'euros pour le programme PEACE 4. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a alloué 150 millions d'euros d'aide à PEACE 4 dans son projet de budget de l'UE, à la suite de la demande du gouvernement irlandais, a cru comprendre EURACTIV. Ce fond n'apparaissait pas dans la proposition budgétaire initiale de la Commission européenne.
Les 50 millions d'euros restants devraient provenir des gouvernements britannique et irlandais.
Incomplet
Le gouvernement de l’Irlande du Nord a reçu près de 2 milliards d'euros entre 1995 et 2013. Le SEUPB, créé conformément à l'accord du Vendredi saint et dont la responsabilité est d'allouer le fonds pour la paix, a débloqué 992 millions d'euros pour PEACE 2 et 333 millions d'euros pour PEACE 3.
Malgré les progrès réalisés grâce à des initiatives financées par les programmes successifs pour la paix, Martina Anderson a indiqué que les émeutes récentes à Belfast, la capitale, révélaient que l'Irlande du Nord avait encore « un long chemin à parcourir » afin de parvenir une paix durable.
« Il s'agit du processus de paix le plus réussi au monde, mais nous n'en sommes pas au point de dire qu'il est complet », a-t-elle indiqué.
Un large fossé sépare toujours une grande partie du pays et seuls 6 % des enfants fréquentent des écoles mixtes. La séparation est à prendre au sens propre, car 53 « murs de la paix » divisent les protestants et les catholiques voisins.
« Nous devons garantir PEACE 4 », a déclaré Mme Anderson, qui a purgé une peine de 13 ans pour avoir conspiré à l’organisation d’explosions en Angleterre.
Médiateur
Des hauts responsables politiques irlandais ont remercié l'UE des travaux réalisés dans le pays ces 18 dernières années ainsi que du financement continu.
« La contribution de l'UE en Irlande du Nord est extraordinaire. Il s'agit avant tout du financement. Mais également de la discipline apportée à l'ensemble. [Cette contribution] offre une perspective de sept ans au cours de laquelle on peut prévoir avec une certaine certitude », a déclaré M. Colgan.
« Elle apporte également de la neutralité. Elle ne fait pas partie d'un côté ou de l'autre du conflit. Elle est indépendante de tout cela. »
D'autres régions divisées en quête de solution, notamment les Balkans, la Libye, la région basque, Chypre, les territoires palestiniens et israéliens, étaient présentes lors de la conférence.
Dr Rami Nasrallah, le président de l'International Peace Cooperation Centre, une coopérative palestinienne, a déclaré à EURACTIV qu'il cherchait des solutions afin que l'UE contribue au processus de paix dans son pays. Ces solutions comprennent le financement d'un projet de « ville ouverte » à Jérusalem, conçue en collaboration avec Shlomo Hasson, un professeur de l'université hébraïque, avec qui le Dr Rami Nasrallah a travaillé pendant 17 ans.
L'objectif de ce projet est de développer une coopération entre les deux communautés des espaces disputés.
« Nous sommes ici pour en savoir plus sur l'initiative ascendante en Irlande du Nord », a déclaré M. Hasson.