La France prolonge ses deux dernières centrales à charbon jusqu’à fin 2024

La centrale thermique de Cordemais possède 2 unités de production au charbon d'une puissance totale de 1200 MW. [Aurelien CHARRIER / Shutterstock]

Le gouvernement a prolongé jeudi (24 août) le fonctionnement des dernières centrales à charbon françaises jusqu’à fin 2024, afin de passer l’hiver sans encombres justifie-t-il. 

En novembre 2022, le gouvernement avait rouvert la centrale de Saint-Avold (Grand-Est) fermée depuis mars 2022, afin de répondre à la baisse des approvisionnements énergétiques en Europe, notamment en gaz russe et en nucléaire français.

Rebelote jeudi (24 août). Par décret, la Première ministre, Elisabeth Borne et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, ont prolongé le fonctionnement jusqu’à fin 2024 des deux dernières centrales à charbon françaises situées en Loire-Atlantique (Cordemais) et dans le Grand-Est (Saint-Avold). Celles-ci pourront donc être appelées sur le réseau en cas de forte demande.

Pour l’hiver à venir, « nous anticipons un niveau de tension moindre, a déclaré le ministère de la Transition énergétique, mais par précaution, nous prenons toutes les mesures qui assureront la production électrique française ».

Les deux centrales vont ainsi pouvoir fonctionner plus longtemps que ce qui était prévu, puisque l’ensemble du parc français, composé de quatre centrales à charbon, devait initialement fermer ses portes avant 2022, tel que promis en 2017 par le président de la République, Emmanuel Macron.

La centrale du Havre (Normandie) a définitivement fermé ses portes en 2021. Celle de Gardanne (Bouches-du-Rhône) a été transformée en centrale biomasse en février 2022. Celle de Cordemais devrait connaitre le même sort à partir de 2026, tandis que celle de Saint-Avold avait fermé ses portes en mars 2022, avant d’être relancée. Sa fermeture définitive est donc prévue, pour l’heure, à la fin de l’année 2024.

Les prix de l'électricité pour l'hiver prochain restent élevés en France

La situation intenable des prix de l’électricité observée l’année dernière devrait se tarir au niveau européen. Néanmoins, les incertitudes concernant les capacités du parc nucléaire font peser un risque de maintien élevé des prix de l’électricité en France à l’hiver prochain, prévient RTE. 

Sur LCI vendredi matin (25 août), Mme Pannier-Runacher a rappelé que les deux centrales de Saint-Avold et Cordemais ne représentent que 0,6 % de la consommation nationale d’électricité, sous-entendant leur impact limité sur le réseau électrique. 

Mais bien que le risque de black-out soit, pour le moment, considéré comme faible, il n’est pas question de prendre le risque de « priver les Français d’électricité au cours de l’hiver », s’est-elle justifiée.

Néanmoins, si elles devaient être réactivées, puisqu’elles ne fonctionneraient qu’en cas de pointe de la demande, les deux centrales représenteraient 15 % des rejets de gaz à effet de serre du parc électrique français. En tenant compte des données du ministère de l’Écologie publiées en 2020, les quatre centrales à charbon comptaient, ensemble, pour environ 30 % des émissions du parc électrique français.

Sortie du charbon avant 2030

La ministre a profité de son interview pour rappeler que la France sohaitait sortir définitivement du charbon au plus tard en 2030.

En face, l’Allemagne n’en sortira en 2030 que dans un cas « idéal », selon l’accord de coalition. Au pire, en 2038, avait-elle annoncé en novembre 2021.

Depuis, la puissance outre-Rhin a rallumé un certain nombre de centrales à charbon en raison des effets de la crise énergétique, dans un pays ou elles fournissent plus d’un tiers de l’électricité produite.

De fait, le charbon est devenu, avec la réduction des importations de gaz russe et la fin du nucléaire actée par Berlin le 15 avril dernier, l’énergie de transition par intérim vers les renouvelables.

Une situation « amère, mais inévitable », avait considéré l’ONG Greenpeace Allemagne en août 2022.

Depuis 2000, le pays a largement réduit sa dépendance au charbon au profit des énergies renouvelables.

Production brute d’électricité par source en Allemagne 1990 -2022. [CleanEnergyWire]

Mobilisation des centrales en dernier ressort

Compte tenu du fonctionnement du marché européen de l’électricité, les centrales à charbon ne sont activées que lorsque les autres sources d’énergie ne suffisent pas pour répondre aux pointes de demande d’électricité. Le marché privilégie en effet les énergies au coût de production le moins élevé, ce qui n’est pas le cas du charbon.

Néanmoins, dans le cadre de la réforme entreprise de ce marché, la Pologne a demandé une dérogation aux règles de subventions des énergies décarbonées pour pouvoir subventionner le charbon grâce à des mécanismes de rémunération des capacités mises en réserve, dits « mécanismes de capacités ».

Il faut dire que la Pologne en est dépendant pour environ 70 % de sa production électrique. Le pays émet ainsi presque autant de gaz à effet de serre que la France, quand bien même sa population est environ deux fois moindre.

En soutien, Mme Pannier-Runacher avait précisé en amont du conseil « Énergie » des ministres des 27 États membres de juin dernier, qu’il fallait « prendre en compte la réalité des capacités de tous les États membres pour assurer leurs fournitures d’énergie pour leurs populations et leurs industries ».

Scandalisé, Greenpeace France avait déclaré que l’« on peut difficilement imaginer une position plus climaticide ».

Marché de l’électricité : les États membres n'ont pas trouvé d'accord sur la réforme

Les ministres de l’Énergie des États membres ne sont pas parvenus à une position commune sur la réforme du marché de l’électricité suite à des désaccords sur les subventions pour la production d’électricité de secours à base de charbon et sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes.

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