La Chine a annoncé jeudi 29 août qu’elle n’imposerait pas de droits de douane sur le brandy européen, ce qui semble signifier que les tensions avec l’Union européenne (UE) sont en train de s’apaiser, bien qu’une enquête de Pékin ait conclu à du dumping.
L’enquête antidumping avait été lancée par la Chine le 5 janvier dernier, quelques mois après que Bruxelles ait commencé à se pencher sur les subventions chinoises accordées aux véhicules électriques.
L’enquête chinoise, initiée suite à une plainte déposée en novembre par l’Association chinoise des alcools au nom de l’industrie nationale du brandy, a révélé que les importations de l’UE pourraient nuire de manière significative à l’industrie nationale chinoise, selon le ministère du Commerce de Pékin.
« L’autorité chargée de l’enquête détermine de manière préliminaire qu’il existe un dumping du brandy importé de l’UE, que l’industrie nationale du brandy risque de subir des dommages substantiels et qu’il existe une relation de cause à effet entre le dumping et le risque de dommages », peut-on lire dans la déclaration du ministère chinois du Commerce.
Bien que Pékin ait choisi de ne pas mettre en œuvre de « mesures antidumping provisoires » à ce stade, la Chine a noté que le brandy de l’UE pourrait être soumis à des droits de douane classiques de 34,8 %. Ces taxes pourraient avoir un impact considérable sur l’industrie française du cognac, qui représente la quasi-totalité des importations chinoises de brandy depuis l’UE.
Pour l’heure, les actions en bourse des producteurs français de spiritueux Rémy Cointreau et Pernod Ricard ont augmenté jeudi à la suite de l’annonce de cette non-imposition, a rapporté Reuters.
Malgré le soulagement initial, l’association professionnelle SpiritsEurope a qualifié la décision chinoise de « très décevante », alors que les droits de douane de Pékin pourraient être mis en place à n’importe quel moment.
« Les droits de douane, s’ils sont appliqués, constitueraient une barrière injustifiée et auraient un impact négatif sur les exportations européennes de spiritueux à base de vin et de marc vers la Chine, qui représentent [environ 90 %] des exportations directes de spiritueux de l’UE vers la Chine en termes de valeur », explique Ulrich Adam, le directeur général de l’association.
Ce dernier souligne également que le secteur du brandy avait fourni des preuves montrant que les conditions d’ouverture d’une enquête n’étaient pas remplies, et a défini le secteur comme une « victime collatérale » de conflits commerciaux plus vastes.
« Les mérites de cette enquête sont discutables », a déclaré Olof Gill, porte-parole de la Commission européenne pour le commerce et l’agriculture, dans un communiqué. L’exécutif européen « n’hésitera pas à prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les exportateurs de l’UE », a-t-il ajouté.
Le Bureau national interprofessionnel du cognac, qui défend les intérêts des producteurs français, insiste pour sa part sur le fait que la procédure n’est pas terminée et que des taxes additionnelles, pouvant s’élever en moyenne à 34,8%, peuvent toujours être imposées.
« S’ils étaient appliqués, de tels droits affecteraient lourdement les exportations de cognac vers la Chine, un marché qui représente à lui seul 25% de nos exportations », écrit l’organisation dans un message transmis à l’AFP en regrettant que le secteur devienne «la victime collatérale d’un conflit qui la dépasse ».
Elle appelle la France et l’UE à négocier « immédiatement en vue d’une non-application et d’un abandon de ces droits » de douane.
L’agriculture, victime collatérale ?
Cette décision fait suite à deux récentes enquêtes antidumping lancées par la Chine sur certaines exportations européennes, notamment sur les produits laitiers la semaine dernière et sur la viande de porc au mois de juin. Ces enquêtes visent les subventions accordées dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE, que la Chine a qualifiées d’« injustes ».
Toutefois, des experts ont confié à Euractiv qu’il était peu probable que les menaces de rétorsion de la Chine sur les produits agricoles de l’UE dégénèrent en un conflit commercial plus large.
Par ailleurs, la Commission a confirmé qu’elle imposerait des droits de douane préliminaires sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, mais avec de légères réductions par rapport aux propositions initiales.
Les associations agricoles de l’UE ont exprimé à plusieurs reprises leur regret d’être au cœur des tensions commerciales avec la Chine, qu’elles attribuent à des différends sans rapport avec l’agriculture.
« Nos producteurs laitiers et nos coopératives agricoles produisent et exportent dans le plein respect des règles de l’UE et de l’OMC, mais une fois de plus, nos exportations performantes sont la cible d’autres différends », a écrit la COPA-COGECA, la coalition des associations agricoles de l’UE, sur X.
« Outre les volumes commerciaux susceptibles d’être affectés par cette enquête, le plus inquiétant est la remise en cause de la Politique agricole commune de l’UE », ajoute le syndicat.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]