Les futures relations de l’Union européenne (UE) avec la Chine dépendront de la position de Pékin sur l’Ukraine et de son alignement sur la Russie, alors même que Bruxelles cherche à protéger son industrie de la concurrence chinoise, a expliqué Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, dans une interview à Euractiv Italie.
« Malgré le bilan lucide que nous tirons des cinq dernières années, l’UE reste fermement décidée à continuer à échanger avec la Chine, que cela soit pour expliquer et atténuer nos différences, ou pour chercher des pistes de travail constructives », souligne Josep Borrell, dans un entretien accordé à Euractiv Italie.
Selon lui, « il ne fait aucun doute que nos systèmes politiques sont différents et, à cet égard, il existe une rivalité idéologique et des préoccupations concernant […] les violations des droits humains ».
L’UE a officiellement qualifié la Chine de « partenaire de coopération, de concurrent économique et de rival systémique » en 2023, et a annoncé une politique économique de réduction des risques à l’égard de Pékin.
« Nous essayons d’éviter une guerre commerciale avec la Chine, mais nous devons également défendre nos industries », souligne le chef de la diplomatie européenne.
« Les tensions commerciales et technologiques entre les États-Unis et la Chine ont des conséquences très négatives pour l’Europe, car la Chine tente d’exporter vers l’UE les produits qu’elle fabrique grâce aux énormes surcapacités de son secteur manufacturier ».
Ces derniers mois, la Commission européenne a lancé des enquêtes anti-subventions contre les panneaux solaires et les véhicules électriques (VE) chinois. Bruxelles devrait également décider en octobre d’adopter ou non des droits de douane supplémentaires sur les VE fabriqués en Chine, en plus des droits habituels de 10 %.
« Pour autant, nous ne voulons pas découpler nos économies ni cesser de coopérer avec les Chinois sur la gouvernance mondiale, la dette des pays à faibles revenus et le changement climatique », insiste Josep Borrell.
« Notre principale préoccupation et notre principale menace géopolitique est la Russie, […] et nos relations futures avec la Chine dépendront fortement de la manière dont [Pékin] se comportera vis-à-vis du conflit ukrainien. »
La semaine dernière, des responsables américains ont accusé de façon explicite Pékin de directement soutenir les efforts militaires de la Russie en Ukraine.
« Le soutien de Pékin à la guerre menée par la Russie a des conséquences sur les relations entre l’UE et la Chine, c’est pourquoi nous voulons nous engager activement auprès de la Chine pour décourager tout alignement accru sur la Russie », continue le chef de la diplomatie européenne.
Interrogé sur les différences entre Kamala Harris et Donald Trump, quant aux priorités de leurs politiques étrangères respectives et sur leurs impacts pour l’Europe, mais aussi sur leurs relations avec Pékin, Josep Borrell souligne qu’il est « évident qu’il existe des différences significatives entre les deux candidats », en particulier sur l’Ukraine, le multilatéralisme, le changement climatique et l’OTAN.
« Il est certain qu’une future administration Harris serait beaucoup plus en phase avec la politique actuelle de l’UE », affirme-t-il, ajoutant que « les deux partis, [les démocrates et les Répoublicains] sont focalisés sur la Chine ».
Josep Borrell, qui, à l’instar d’autres fonctionnaires européens, s’est jusqu’à présent montré prudent dans ses commentaires sur l’élection présidentielle américaine, indique que l’Europe doit se protéger, quelque soit le résultat du scrutin aux États-Unis.
« Nous devons faire davantage pour assurer notre propre défense et garantir notre sécurité économique, notamment en développant notre base industrielle de défense. »
Les prochaines batailles qui opposeront Bruxelles et Budapest
Alors que les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE se réunissent de manière informelle à Bruxelles — et non à Budapest — ce jeudi 29 août, les tensions avec la Hongrie devraient monter d’un cran.
Pas de retour en arrière avec la Russie
Questionné sur la possibilité d’une remise à plat des relations entre l’UE et la Russie, si jamais un accord de paix devait intervenir avec Moscou, Josep Borrell confie ne pas voir « d’accord de paix avec la Russie de Vladimir Poutine dans un avenir immédiat ».
« Dans un avenir lointain, dans un contexte d’après-guerre, il pourrait y avoir des changements dans nos relations avec la Russie. Il n’en reste pas moins que la guerre va probablement se poursuivre et qu’il sera difficile de faire comme si de rien n’était », justifie-t-il.
Le chef de la diplomatie européenne a rappelé que le président Vladimir Poutine et certains de ces proches étaient sous le coup de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre et des crimes pour l’Humanité.
Pour Josep Borrell, « il est important de rendre la Russie responsable de ses actions en Ukraine ». Et puisque que le régime russe se considère en guerre contre l’« Occident » et l’« Europe », aucune relation ne peut être envisagée selon lui.
« Vladimir Poutine montre clairement qu’il maintient ses exigences maximales : conquête de l’Ukraine, assujettissement du peuple ukrainien, et il a peut-être d’autres ambitions au-delà de l’Ukraine (il semble de plus en plus obsédé par la restauration de l’empire russe comme son principal héritage). »
« Les antécédents [de Vladimir Poutine] en matière de négociations sont également bien connus », souligne Josep Borrell, faisant référence aux accords de Minsk, qui visaient en 2014 à mettre fin aux combats dans le Donbass entre l’Ukraine et les séparatistes soutenus par la Russie, mais qui ont échoué.
L’Ukraine considère ces accords comme un « piège » qui ont permis à la Russie de se préparer à la guerre, et a prévenu l’Europe qu’elle ne devait pas répéter la même erreur.
**L’entretien a été réalisé en marge du forum de Ventotene en Italie.
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[Édité par Anna Martino et Laurent Geslin]