Les chefs d’Etat réunis lundi au Bourget ont mise en scène leur force d’inertie. Aucune grande nation n’a annoncé d’ambition supplémentaire.
Après une matinée orchestrée à la seconde, les organisateurs de la COP21 ont eu tout le mal du monde à parvenir à faire une photo de groupe des 150 chefs d’État, peu avant midi.
Appelés à se présenter chacun avec un garde du corps, les grands de ce monde ont nettement dépassé le temps qui leur était imparti pour figer la pause, les uns parlant, les autres se dispersant ou venant avec leur équipe – à l’instar de la France qui a réussi à placer Manuel Valls, Laurent Fabius, Ségolène Royal en plus de François Hollande sur la photo.
Un mini chaos à l’image de la difficulté de mobiliser 196 Etats autour d’un texte. Les négociations climatiques qui viennent de s’ouvrir « ne seront pas un chemin tranquille, ça risque même d’être violent » prévient Tim Gore, chez Oxfam.
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Certes en ce premier jour de négociations, l’heure était avant tout à l’espoir. « La première condition du succès est déjà remplie : vous êtes 150 rassemblés ici malgré la tourmente. Par votre présence vous montrez que la résolution est plus solide que la barbarie » a assuré le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, en appelant ses pairs à être ambitieux.
« Tout n’arrivera pas à Paris, mais on ne fera rien sans Paris », a encore prévenu le diplomate.
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Peu avant, François Hollande avait appelé à un accord ambitieux, dans un discours mêlant court et long terme, appelant à « libérer le monde de la terreur, à une planète préservée des catastrophes ». Il a aussi demandé une trajectoire « permettant de contenir le réchauffement global en dessous de 2°C et si possible de 1,5° », une cible aujourd’hui perçue comme peu réaliste.
Les engagements déposés à ce jour font en effet état d’un réchauffement de près de 3 ° selon les calculs de l’OCDE.
Retour de l’opposition pays développés et en développement
Malgré la forte mobilisation et les espoirs des ONG et de la société civile, les divergences de points de vue ont rapidement émergé, avec l’écueil de l’opposition entre pays développés et pays en voie de développement en première ligne.
Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, qui avait mi-novembre classé la France au rang des destinations « dangereuses en raison de l’incapacité de ses dirigeants à assurer la sécurité », a accusé les pays développés « de charger les pays pauvres de nettoyer le problème qu’ils ont créé ».
Le président chinois, Xi Jinping, a de son côté rappelé les financements Sud-Sud auxquels son pays participe, en insistant sur « la responsabilité commune mais différenciée » des pays. Point faible de son discours, le dirigeant chinois n’a évoqué que l’après 2020, ce qui laisse planer un doute pour la période précédente.
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Mais au rang des bonnes nouvelles, le président Barack Obama a reconnu pour la première fois cette responsabilité différenciée des nations, en s’engageant à participer au financement de l’adaptation. Le président américain doit rencontrer mardi 1er décembre le groupe des pays insulaires, ce qui laisse entrevoir une solution sur un des principaux problèmes actuels de l’accord, qui est celui des « pertes et dommages ».
Les pays les plus exposés tentent de convaincre les pays du Nord de contribuer au financement des aléas climatiques et autres constructions de digues, un sujet qui devrait faire l’objet de discussions et d’accord bilatéraux, mais qui devrait être exclu de l’accord final de Paris.
Les cancres se démarquent d’emblée
Plusieurs pays ont manifesté, lors de leurs déclarations, des orientations divergentes. La Russie a sournoisement appelé à un accord juridiquement contraignant, jetant de l’huile sur le feu puisque le sujet est problématique pour les États-Unis, dont le Congrès refuse de ratifier un accord sur le climat.
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La position de la Russie reste un des points faibles de ces négociations. Le plus grand pays du monde par la superficie a en effet reporté ses engagements de réductions de CO2 initialement prévus pour 2020 à 2030, sans montrer de grande ambition.
Au contraire, plutôt que de prévoir d’étendre le territoire de ses forêts, le pays a décrété que les arbres permettaient de capter du CO2, et les a utilisés dans ses calculs pour compenser les émissions de ses autres secteurs. Une décision méthodologique peu orthodoxe, qui affaiblit encore l’ambition du pays.
Parmi les mauvais élèves de la COP, le Venezuela et le Nicaragua ont annoncé qu’ils ne déposeraient pas d’engagements volontaires (INDC) parce qu’elles n’accordent pas de crédit à ces négociations qui « mènent le monde vers une température de plus de 4 ° ».