EXCLUSIF / Copenhague compte convaincre les États opposés à un paquet énergie-climat 2030 plus ambitieux. Le Royaume-Uni et la Pologne sont en ligne de mire, a expliqué à EURACTIV Martin Lidegaard, le ministre danois de l'Énergie et du climat.
Le ministre danois de l'Énergie s'est dit particulièrement satisfait du paquet énergie-climat présenté la semaine dernière à Bruxelles. Dans ce train de mesures, les États membres devront atteindre une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990.
Il déplore pourtant que l’objectif fixant à 27 % le pourcentage d'énergie issue de ressources renouvelables à l'horizon 2030 ne soit contraignant qu’au niveau européen. Les États membres pourront en effet librement agir dans ce domaine. Ce qui peut laisser dubitatif quant aux moyens déployés par Bruxelles face aux pays peu disciplinés.
La Commission européenne a fait trop de concessions, a indiqué Martin Lidegaard. « Nous étions contents d'avoir obtenu un objectif contraignant. Nous voulons seulement nous assurer qu'il sera réellement contraignant et nous aimerions qu'il devienne plus ambitieux. »
Selon les informations d'EURACTIV, le Danemark devrait également chercher une formulation plus explicite en matière d'efficacité énergétique avant le sommet des chefs d'État et de gouvernement de mars prochain.
La proposition de paquet énergie-climat ne contient à ce jour que de vagues allusions à la question. Le Royaume-Uni est parvenu à éviter un objectif contraignant à l'échelle nationale. Aux yeux du ministre danois, il s'agit simplement d'une « proposition de compromis et elle devra être négociée dans les semaines et mois à venir ».
« Le débat sera houleux, mais, du côté danois, nous sommes prêts et comptons [élaborer] une position officielle danoise puis la mettre sur la table[des négociations] d’ici quelques semaines », a-t-il poursuivi.
Le Danemark est l'un des pays producteurs d’énergie les plus propres de l'UE. Il s'est fixé « le projet énergétique le plus ambitieux au monde » : une énergie issue à 50 % de ressources renouvelables pour ses besoins en électricité d'ici 2020 et à 100 % d'ici 2050 pour tous ses besoins énergétiques et de transport.
L'appel de la dernière chance
Copenhague considère dès lors qu’il est primordial de savoir comment les capacités d’exploitation des énergies renouvelables vont évoluer avant de se lancer dans la réduction des émissions de carbone à un moindre coût. Des représentants danois estiment qu'il faut étendre le réseau, intégrer les marchés et augmenter la capacité du réseau.
Dans une ultime tentative visant à soutenir un objectif contraignant en matière d'énergies renouvelables, la première ministre danoise, Helle Thorning Schmidt, a téléphoné au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, la nuit précédant la prise de décision, selon Martin Lidegaard.
Le nouveau ministre allemand de l'Énergie, Sigmar Gabriel, a milité aussi très activement en faveur d'un objectif contraignant de 27 % en matière d'énergies renouvelables. D'autres pays sur la même longueur d'onde, comme la France, l'Irlande et l'Italie, ont également joué un rôle.
Selon le ministre danois, il était « trop tôt pour dire » si la Pologne opposerait son veto sur certains volets de ce paquet lors du Conseil européen.
« Nous nous attendons plutôt à un débat politique difficile sur la question, car nous avons des points de vue très différents », a-t-il a expliqué. Cependant, seuls « quelques » États membres souhaitaient que l'UE attende jusqu'en 2015 avant d'établir de nouveaux objectifs sur le climat.
Perfide Albion ?
Toute la bulle européenne à Bruxelles, des écologistes aux entreprises, reconnaît l'influence britannique dans le paquet énergie-climat 2030.
Alors que le Royaume-Uni n’avait auparavant que peu d’influence sur les politiques européennes sur le climat, il a quand même obtenu gain de cause : une ambition de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, aucun objectif contraignant pour les États membres en matière d'efficacité énergétique, aucune loi contraignante sur le gaz de schiste et l’arrivée à échéance de la directive sur la qualité des carburants.
« S'il y a une personne à blâmer pour l'absence d'objectif sur les énergies renouvelables, c'est bien David Cameron », a commenté une source active dans le monde de l'industrie à haute intensité énergétique. « S'il avait déclaré que le Royaume-Uni souhaitait un objectif sur les énergies renouvelables, l'équilibre des pouvoirs aurait pu changer. »
« La Grande-Bretagne est confrontée à des citoyens qui ne veulent pas que l'UE leur dise ce qu'il faut faire. Ils sont également très sceptiques quant à des prix élevés de l'énergie », a poursuivi le représentant. « Cette position coïncide avec l'état d'esprit général [du pays]. Le consensus social de 2007 [lors de la signature du premier paquet-climat] n'est tout simplement plus présent. »
Compétence nationale
La Grande-Bretagne affirme que l'énergie est reconnue comme une compétence nationale. De plus, les objectifs sur les énergies renouvelables pourraient entrer en conflit avec ses projets visant à exploiter du gaz de schiste et programmes d'extension de l'énergie nucléaire.
La Pologne et l'Espagne et certains États d'Europe orientale devraient lui emboîter le pas.
Peu avant la présentation du paquet, l'eurodéputé vert Claude Turmes avait accusé José Manuel Barroso et sa secrétaire générale, Catherine Day, de « manipulation afin de plaire aux Britanniques » pour qu’ils soutiennent le Portugais dans ses perspectives professionnelles.
Ceci dit, selon Martin Lidegaard, Londres a joué un « rôle très actif dans le rassemblement d'un groupe favorable à une croissance verte en vue de promouvoir l'idée d'un objectif ambitieux sur le CO2 ».