Les gaz contribuant au réchauffement climatique et utilisés pour alimenter les réfrigérateurs et les systèmes d’air conditionné en Europe devraient être interdits ou soumis à un système de pondération fondé sur leur potentiel de réchauffement planétaire. C’est ce qu’affirme un rapport rédigé pour l’UE par des spécialistes.
Les gaz fluorés (également connus sous le nom de HFC ou de F-gaz) ne contribuent qu’à environ 2 % des gaz à effet de serre aujourd’hui, mais si l’industrie continue sur la même voie, ce chiffre pourrait augmenter pour s’établir entre 9% et 19 % d’ici 2050.
La révision provisoire d’une loi européenne de 2006 limitant l’utilisation des HFC en Europe, consultée par EURACTIV, recommande l’adoption de politiques encourageant la « poursuite des réductions de gaz à effet de serre fluorés en Europe » s’agissant des systèmes de climatisation dans les voitures, les bateaux, les trains et des systèmes de réfrigération destinés au transport.
« Les interdictions ont été le type de mesures le plus efficace jusqu’à présent, et ont eu pour effet des réductions significatives et mesurables de la consommation de HFC et donc des émissions », peut-on lire dans le rapport, rédigé par le bureau d’études allemand Öko-Recherche.
Ce rapport dresse également une liste d’autres solutions. « L’option d’établir des limitations par palier établies selon le potentiel de réchauffement global (PRG) pour le placement sur le marché des HFC a été identifié comme ayant le meilleur potentiel de réduction d’émissions », peut-on encore lire dans le rapport.
Un représentant de l’UE a confirmé à EURACTIV que les deux solutions avaient leurs avantages, et que leur inclusion dans les recommandations d’une analyse d’impact qui serait publiée en septembre ou octobre était envisagée.
En pratique, cela conduirait d’une manière ou d’une autre à une suppression ou à une limitation des plus nuisibles de ces HFC, sur une période indéterminée, et à leur remplacement par des réfrigérants naturels tels que l’ammoniac, le propane, le butane et le CO2 (substance relativement inoffensive lorsque utilisée de cette manière).
Le gaz fluoré le plus utilisé, le HFC 134a, est plus de 1 000 fois plus nuisible que le CO2 en termes de réchauffement climatique.
La suppression progressive de l’utilisation du HFC 134a a commencé cette année dans le cadre de la directive européenne de 2006 interdisant son utilisation dans la production de nouveaux systèmes de climatisation pour voitures. D’ici 2017, la directive s’appliquera à toutes les voitures.
Coûts pour l’industrie
Des sources du secteur de l’industrie affirment qu’une interdiction plus étendue des HFC pourrait coûter des centaines de millions d’euros aux entreprises européennes, et demandent davantage de temps pour évaluer l’efficacité de la législation actuelle.
L’industrie du froid, de la climatisation et des pompes à chaleur a un chiffre d’affaires d’environ 30 milliards d’euros et emploie environ 200 000 personnes.
Un fabricant industriel aurait confié à EURACTIV qu’il estimait à environ 100 milliards de dollars le coût de la dernière suppression progressive à la fin des 1980 et dans les années 1990 des CFC, détruisant la couche d’ozone.
Le coût de la suppression des HFC serait « probablement beaucoup plus élevé », a ajouté une source de l’industrie, « car les HFC partagent beaucoup des caractéristiques des réfrigérants nocifs pour la couche d’ozone ».
Les environnementalistes contestent ces chiffres. « Cela ne coûterait pas beaucoup plus, et il faut prendre en considération tout le cycle de vie », a déclaré à EURACTIV Mark Chasserot, directeur de l’ONG environnementale Shecco.
Il a fait remarquer que les fabricants de HFC investissaient déjà dans des réfrigérants naturels plus efficaces en termes énergétiques, afin de répartir les risques.
L’argument écologique, plus général – selon lequel le réchauffement climatique va plus vite que l’industrie ou les gouvernements – semble également être relayé dans le rapport d’Öko-Recherche.
Cet état de fait a conduit à des accusations de partialité.
Accusations de partialité
Le European Fluorocarbon Technical Committee (EFCTC) (en français : « Comité technique européen sur le fluorocarbone »), qui représente les fabricants de gaz fluorés, a envoyé une lettre à Bruxelles, se plaignant que les spécialistes d’Öko-Recherche étaient experts en « analyse technique et promotion des réfrigérants alternatifs plutôt qu’en gaz fluorés ».
« Cela pourrait potentiellement entrer en conflit avec le travail qui doit être effectué pour la rédaction de ce rapport », peut-on encore lire dans cette lettre.
Les ONG environnementales ont toutefois déclaré qu’elles n’avaient pas pu participer à la consultation des parties prenantes.
« J’ai été exclu du groupe des parties prenantes, tout comme plusieurs ONG », a confié à EURACTIV David Holyoake, conseiller juridique du groupe environnemental Client Earth.
« C’était l’unique opportunité d’un engagement formel aux côtés d’Öko-Recherche, qui a également participé aux discussions, ou de la Commission ».
Après la publication de son analyse d’impact finale cet automne, Bruxelles décidera de proposer ou non une révision de la réglementation concernant les gaz fluorés dans l’année.
Arthur Neslen – Article traduit de l’anglais par EURACTIV