La Pologne accueille en décembre la COP 24, qui se concentrera sur le « bon sens ». Pourtant après le limogeage de son ministre de l’Environnement, le mois dernier, il n’y a plus de pilote dans l’avion. Un article de notre partenaire, WysokieNapiecie.pl.
La préparation du sommet de la COP 24, qui se tiendra du 3 au 14 décembre dans la ville minière de Katowice, en Pologne, a déjà commencé. La Conférence de l’ONU sur le climat a en effet une ambition non négligeable : la précision de l’accord de Paris, signé en 2015, dont tous les pays signataires sont censés présenter leur contribution à la protection du climat.
L’accord ne se base pour l‘instant que sur la bonne volonté des parties prenantes, et n’inclut pas de mécanisme de surveillance des actions menées ou de sanction pour les États qui n’atteignent pas leur objectif. Il s’agit donc à présent de préciser la teneur de cet engagement.
C’est pourquoi les commentaires des représentants polonais sur l’action climatique ne passent pas inaperçus. « Au lieu d’encourager l’enthousiasme, faisons preuve de bon sens », a récemment déclaré Tomasz Chruszsczow, une des personnalités de haut niveau qui mèneront les négociations et « débattront avec tous les pays pour atteindre l’objectif que la Pologne s’est donné pour sa présidence » de l’événement.
« Dans les négociations climatiques, le bon sens n’est pas toujours opposé à l’ambition de réduire les émissions de gaz à effet de serre », a-t-il poursuivi. Il reste sceptique quant à la vitesse à laquelle le monde peut avancer sur la question climatique. Il n’est pas plus convaincu par une évaluation des mesures prises pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, qui sera cette année présentée par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), mais risque peu d’enclencher de nouvelles initiatives.
Les déclarations du représentant polonais ont mis le feu à Twitter. L’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), qui représente un cinquième des membres des Nations Unies et plus de 40 millions de vies directement chamboulées par le changement climatique, juge « affligeante » la priorité donnée au « bon sens » par Varsovie.
This is upsetting: Poland to put 'common sense' over climate ambition as host of critical UN talks https://t.co/vWi40J5hEH via @ClimateHome
— AOSIS (@AOSISChair) February 2, 2018
« Nous avons entendu de nombreuses promesses creuses, il faut passer à l’action pour la Terre, c’est ça, l’ambition », a martelé Tomasz Chruszsczow, qui définit le bon sens comme la lutte contre la pauvreté, à la faim et l’insécurité des ressources énergétiques.
Les objectifs climatiques pourront s’appuyer sur « les mécanismes d’accord et la prise en compte des effets de leur application, la transparence des activités, les moyens d’assurer le financement, ainsi que la façon de différencier le rythme d’engagement des différents pays en fonction de leur niveau de développement, de leur niveau de richesse, etc. », explique-t-il.
Un président pour la COP
Autre sujet d’inquiétude pour les observateurs: qui présidera la COP 24 ? En janvier, une résolution a été adoptée sur l’organisation spécifique de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC) par la Pologne. Celle-ci établit clairement que le ministre de l’Environnement est le président de l’équipe de coordination des activités administratives liées à l’organisation de la conférence. C’est aussi lui qui « préside les négociations sur des sujets couverts par la Convention sur le changement climatique, le Protocole de Kyoto ou l’Accord de Paris ».
Cela n’a jamais posé de problème, jusqu’à aujourd’hui. Jan Szyszko, alors ministre de l’Environnement polonais, a annoncé mi-2017 qu’il présiderait la COP 24. Le ministre ne fait cependant plus partie du gouvernement, et il n’a pas été désigné par le nouveau Premier ministre, Mateus Morawieck, comme responsable des questions liées à la COP 24, contrairement à certaines rumeurs.
« La Pologne a démis un ministre de l’Environnement d’expérience [trois mandats], qui avait l’habitude des négociations de l’ONU, et l’a remplacé avec un ministre de second rang du Trésor », s’est alarmé Karl Mathiesen, éditeur-en-chef de Climate Home News.
Ancien forestier, Jan Szyszko n’était pourtant pas connu pour son ambitieux en matière de climat et d’environnement, et ses prises de positions, notamment sur l’exploitation des forêts, ont souvent surpris ses homologues.
Le financement du sommet n’est toutefois pas menacé, puisque le Fonds national pour la protection de l’environnement et la gestion de l’eau contribuera à hauteur de 128,6 millions de złoty (30 millions d’euros), un budget moins important que ceux de la COP 21 à Paris et de la COP 15 à Copenhague. Varsovie attend environ 30 000 visiteurs, soit moins que les 40 000 de l’édition parisienne, mais un peu plus que les 27 000 qui s’étaient rendus au Danemark.