Exclusif. Un conflit entre Berlin et Varsovie sur Nord Stream 2 a failli empêcher le Conseil d’appeler à la signature rapide de l’accord de Paris sur le climat.
La Pologne a exigé que la déclaration des 28 Etats membres sur le climat soit retirée des propositions de conclusion du Conseil, en réaction à la suppression de la discussion prévue sur la sécurité énergétique, remplacée par une simple déclaration à la requête de l’Allemagne.
Ces chamailleries ont mené à une frénésie diplomatique, menée par une France inquiète de l’avenir de l’accord conclus dans sa capitale à l’issue de la COP 21 en décembre dernier.
En signant l’accord de Paris, près de 200 États se sont engagés à limiter à moins de 2°C le réchauffement climatique par rapport au niveau préindustriel.
La discussion sur l’accord au niveau européen n’aura cependant pas lieu lors du sommet actuel, qui sera dominé par la négociation d’un accord avec la Turquie sur la crise des réfugiés.
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L’abandon temporaire du débat sur l’avenir de l’accord de Paris a été justifié par l’urgence de trouver un accord sur de la crise migratoire. Le mois dernier, les dirigeants avaient pourtant réussi à discuter durant de longues heures de l’accord censé empêcher le Brexit, en pleine crise humanitaire.
Selon les informations obtenues par EURACTIV, la brouille entre l’Allemagne et la Pologne serait liée à la place donnée au nouveau paquet de la Commission sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz.
La proposition de paquet aurait également dû être abordée lors du sommet des 17 et 18 mars. Ce texte, présenté par la Commission européenne en février, vise à limiter les pénuries et le caractère fluctuant de l’énergie importée de fournisseurs non fiables, comme Gazprom, qui pourrait être tenté de couper les robinets de gaz pour des raisons politiques.
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La proposition prévoit aussi que les États membres soumettent leurs contrats intergouvernementaux et commerciaux à la Commission, afin qu’elle puisse en vérifier la conformité avec les règles européennes avant signature. Un point problématique pour l’Allemagne, qui accepte que l’exécutif ait un droit de regard, mais seulement après signature des contrats.
Nord Stream 2
La polémique actuelle autour du projet de gazoduc Nord Stream 2 complique encore la question. Le projet, lancé par Gazprom et soutenu par Berlin, est actuellement étudié par la Commission, qui craint qu’il augmente encore la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe. Un projet similaire a été tué dans l’œuf en Bulgarie, au motif qu’il contrevenait aux règles européennes.
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La Commission craint que Nord Stream 2 ne double les importations allemandes de gaz russe, ne soit contraire aux objectifs de l’union de l’énergie et ne nuise finalement à l’Ukraine, pays de transit important pour le gaz russe.
Le 16 mars, huit gouvernements européens, dont la Pologne, ont écrit au président de la Commission, Jean-Claude Juncker, pour s’opposer à Nord Stream 2, selon Reuters.
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Chantage
Des sources ont expliqué à EURACTIV que des diplomates allemands souhaitaient retirer le paquet sur la sécurité énergétique du projet de conclusions du sommet.
La Pologne, qui dépend des importations de gaz russe, a quant à elle rétorqué que si le paquet était retiré des conclusions, la résolution appelant à une ratification rapide de l’accord de Paris devrait aussi être sacrifiée.
La Pologne n’est pas seulement dépendante des importations de gaz russe : son économie dépend aussi du charbon, une industrie qui devra être progressivement supprimée si l’UE veut atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris.
Le paquet sur la sécurité de l’approvisionnement fait partie de la stratégie de l’exécutif pour l’Union de l’énergie. Il a pour objectif de s’assurer que chaque État membre possède au moins trois fournisseurs d’énergie différents.
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