Avant le sommet sur l’avenir de l’Europe à Sibiu, un appel pour plus d’ambition climatique a été lancé par les gouvernements français, néerlandais, belge, suédois, danois, espagnol, portugais et luxembourgeois.
Un « non-document » obtenu par la presse et signé par la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède appelle l’Union européenne à renforcer sa lutte contre le changement climatique et à adopter un programme visant zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 « au plus tard ».
L’Allemagne, l’Italie et la Pologne sont les grands absents de la liste de signataires, comme le laissaient prévoir les dissensions lors du précédent sommet.
Le document appelle aussi l’UE à hausser son objectif de réduction des GES pour 2030 avant un sommet spécial sur le climat organisé par l’ONU, en septembre, à New York. Conformément à l’accord de Paris, le sommet permettra de faire un bilan des promesses des gouvernements.
« L’UE doit faire des annonces ambitieuses lors du sommet de l’ONU, préférablement sur un objectif qui permettrait à l’UE d’éliminer ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050 au plus tard », indique le texte, qui ajoute que les États devraient « renforcer » leurs contributions nationales pour 2030.
Selon les analyses de l’ONU, les engagements déjà pris mèneraient à un réchauffement climatique de plus de 3°C, un scénario qui comporte des risques très élevés incluant l’extinction massive d’espèces et l’effondrement d’écosystèmes essentiels à l’agriculture et à la survie de l’humanité.
Les contributions à l’accord de Paris sont donc très insuffisantes. Selon le groupe de réflexion Carbon Market Watch, il existe « un manque d’engagement considérable de la part des gouvernements », et principalement en Italie, en Hongrie, en Pologne et en Roumanie.
« L’engagement climatique supplémentaire des huit pays [signataires de l’appel à l’UE] rend encore plus flagrante l’inaction concrète de certains gouvernements européens », estime Agnese Ruggiero, de Carbon Market Watch, qui dirige aussi le projet PlanUpEU. « Il est grand temps que les retardataires s’activent et prévoient le genre de politiques qui nous aidera à garder le changement climatique à un niveau acceptable. »
C’est exactement ce que défendent ces huit pays : « la lutte contre le changement climatique devrait être une pierre angulaire du calendrier stratégique 2019-2024 », estiment-ils, avertissant des « conséquences profondes pour l’avenir de l’humanité et de notre planète ».
L’été dernier, l’Europe a connu des vagues de chaleur et incendies jusqu’au cercle arctique, une situation inédite qui pourrait se normaliser, selon les scientifiques, avec des implications dévastatrices.
« Nous allons droit vers un effondrement climatique », prévient Sebastian Mang, conseiller en politique climatique chez Greenpeace. Et si certains pays commencent à réagir, « les gouvernements allemand, italien et polonais refusent encore de voir la vérité en face ».
Si l’urgence est de plus en plus aiguë, tout espoir n’est pas perdu. Le GIEC estime que le changement climatique pourrait être enrayé grâce à la mise en place immédiate d’actions fortes pour réduire les émissions dans tous les secteurs de l’économie d’ici la fin des années 2020.
Les signataires du « non-document » rappellent de fait que « la lutte contre le changement climatique nécessite une transformation profonde de tous les secteurs de notre économie », et soulignent qu’avec les bonnes mesures, cela pourrait se révéler bénéfique pour la croissance et l’emploi en Europe.
Ils appellent aussi à l’alignement de la finance, privée et publique, avec les objectifs de l’accord de Paris, estimant qu’au moins 25 % de toutes les dépenses européennes « devraient être allouées à des projets luttant contre le changement climatique », comme l’a proposé la Commission. Ces pays souhaitent en outre que la Banque européenne d’investissement soit transformée, « afin que la finance verte devienne sa priorité absolue ».
Une proposition qui fait écho aux recommandations de Nathalie Loiseau, ancienne ministre française à l’Europe, qui souhaite plus de fonds européens pour la transition. Selon elle, l’UE « doit allouer 40 % de ses dépenses à la transition écologique, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou la capacité à financer la recherche sur les énergies propres ».
Le temps presse, mais Sebastian Mang, de Greenpeace, pense que la catastrophe peut encore être évitée. « Un changement de cap peut nous éloigner du gouffre. »