L’absence d’accord sur la taxe sur les transactions financières pénalise les ressources potentielles dédiées au climat.
Le coup d’accélérateur sur la question des financements climat n’a pas eu lieu. À deux jours de la clôture de la COP21, les ministres des Finances de 10 pays européens ont annoncé le 8 décembre un accord de principe sur la création d’une taxe sur les transactions financières (TTF).
Une avancée politique après plusieurs années de discussions houleuses, qui ne tranche pourtant aucun des sujets de discorde entre les pays participants au projet et reporte la prise de décisions concrètes à 2016. La mise en œuvre de la taxe était prévue pour janvier 2016.
« Nous avons décidé des caractéristiques de cette taxe mais nous n’avons pas encore décidé de sa mise en œuvre », a constaté le ministre des Finances autrichien Hans Jörg Schelling, qui chapeaute les négociations depuis un an.
Décisions reportées
Concrètement, l’accord reste muet sur la question des taux qui devront être appliqués aux différentes opérations financières. La question de l’assiette de la taxe, elle non plus n’a pas été tranchée et l’affectation des recettes, notamment à la lutte contre le réchauffement climatique « n’a pas été évoquée à l’occasion de cette réunion » a expliqué le ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna.
Le projet de TTF constituait pourtant une des pistes de financement de la lutte contre le réchauffement climatique. Plusieurs pays européens, dont la France, la Belgique et l’Espagne, se sont d’ailleurs, prononcés en faveur de l’affectation d’une partie de la manne attendue au financement climats.
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La question des financements climat est un des principaux points d’achoppement des négociations de la COP 21, qui doivent s’achever vendredi 11 décembre. Les pays développés se sont engagés à dégager 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider leurs homologues du Sud à faire face aux effets du changement climatique.
Mais pour les pays en développement, le compte n’y est pas. Selon les dernières données compilées par l’OCDE, les financements climat atteindraient 62 milliards de dollars en 2014 et 52,2 en 2013. Une estimation qui est elle-même contestée par les pays destinataires.
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Le blocage des discussions sur la TTF a particulièrement échaudé la société civile. « C’est scandaleux, François Hollande s’est engagé en janvier dernier pour la TTF, et là, en pleine COP21 on aboutit à un énième échec » a regretté Txetx Etcheverry d’Alternatiba.
« On nous parle d’une étape franchie, mais l’accord final est repoussé à juin 2016. À ce rythme, la TTF européenne risque de ne pas générer les fonds significatifs additionnels attendus urgemment pour financer l’adaptation au changement climatique » Alexandre Naulot, d’Oxfam France.
Et pour cause. Le projet initial de TTF présenté en 2011, la Commission européenne prévoyait une taxe d’un montant de 0,1% sur les actions et de 0,01% sur obligations. Ce qui aurait pu rapporter 36 milliards d’euros par an, selon une étude réalisée par l’institut allemand Diw.
Affectation en suspend
Alors que le ton monte à la COP21 sur les financements climatiques, l’absence de décision des ministres européens sur la question de l’affectation de la taxe constitue le véritable échec de cette rencontre.
« Le président doit montrer la voie auprès de ses homologues européens […]. Rien qu’un quart de la TTF pourrait tripler les financements de l’adaptation au changement climatique estimés à 5 milliards de dollars par an [En France] » conclut Alexandre Naulot.
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Bottant en touche sur la question de l’affectation, le commissaire chargé de l’euro, Valdis Dombrovskis, a affirmé que « l’UE a pleinement rempli ses engagements en matière climatique ».
« C’est au moins une preuve que la TTF européenne n’est pas morte » se console Hakima Himmich, présidente de l’Association marocaine de lutte contre le sida et de Coalition PLUS. « Aujourd’hui encore, les victimes du changement climatique et les malades du sida n’ont aucune garantie sur les financements à venir.», ajoute-t-elle.
Des blocages persistants
L’avenir de la coopération renforcée entre les pays européens devra maintenant se jouer à partir du mois de janvier, et sous la houlette de la nouvelle présidence néerlandaise de l’UE, plutôt hostile au projet.
Inquiet de l’effet d’une TTF sur ses régimes de retraite, les Pays-Bas ont rappelé que le problème n’avait pas été réglé par l’accord conclu le 8 décembre. Et gardent un œil préoccupé sur les effets extraterritoriaux de la taxe.
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Un problème également soulevé par le Royaume-Uni. « Rappelons que les 2/3 des États membres n’ont pas choisi de mettre en place cette taxe » a rappelé Georges Osborne, le ministre des Finances britannique.
« Si la proposition que vous avancez a un impact sur le Royaume-Uni, sur les autres pays qui ne participent pas à cette coopération renforcée ou sur le marché unique, nous irons devant la cour de justice » a averti le ministre britannique.
Autre épine dans l’unité européenne sur le sujet, l’Estonie a décidé de quitter les négociations, ramenant ainsi à 10 le nombre d’États participant au projet. (Allemagne, France, Italie, Autriche, Belgique, Grèce, Portugal, Slovaquie, Slovénie et Espagne).
Opposition du secteur privé
Les désaccords entre les pays européens ne sont pas les seuls à ralentir la TTF. « Les grandes banques ne cessent de faire un lobbying intense contre la TTF. Mais c’est un vrai problème, cela risque de mettre en difficulté le Fonds Vert pour le climat notamment » explique Txetx Etcheverry.
Vent debout contre l’idée d’une taxe sur les transactions, craignant une possible délocalisation des transactions, le secteur financier tente de trouver des alternatives.
Gérard Mestrallet, le président de Paris Europlace a ainsi proposé avant l’ouverture de la COP21 la mise en place d’un fonds privé abondé par le secteur privé d’une vingtaine de milliards d’euros d’ici 2030. Un montant ridicule au regard des estimations actuelles faites par la Commission européenne: la TTF pourrait apporter aux Européens 35 milliards d’euros de ressources supplémentaires…par an.