Trois ans et trois jours après l’adoption de l’accord de Paris, les 197 pays signataires rassemblés à Katowice, en Pologne, se sont accordés le 15 décembre sur un ensemble de règles pour sa mise en œuvre. Mais n’ont pas décidé de relever l’ambition.
Il aura fallu que la session plénière finale soit reportée six fois avant que les délégations ne s’accordent enfin, samedi soir, sur l’ensemble de règles qui rendra l’accord de Paris opérationnel. Mettant ainsi fin à treize jours de négociations tendues à la 24ème conférence des parties (COP24) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Deal! In Europe, and working united as Europeans, we have reached a balanced deal on the rules to turn the #ParisAgreement into action. This is a success for multilateralism and the global fight against climate change. #COP24 ??❤️? pic.twitter.com/a95Yny8a7C
— Miguel Arias Cañete (@MAC_europa) December 15, 2018
« Accord trouvé ! » se réjouit Miguel Arias Cañete sur son compte Twitter. « En Europe, et en travaillant de manière unie en tant qu’Européens, nous avons trouvé un accord équilibré sur les règles permettant de transformer l’accord de Paris en action concrète. Un succès pour le multilatéralisme et la lutte mondiale contre le changement climatique.
Si les pays sont parvenus à se mettre d’accord sur des règles contraignantes pour accroître la transparence, ils ont repoussé à 2019 un consensus sur le marché du carbone – correspondant à l’article 6 – et ont choisi de « reconnaître » et non pas « saluer » le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les 1,5 °C, censé former la pierre angulaire des négociations sur le climat.
Ils ont aussi réitéré ce que l’accord de Paris avait déjà énoncé, à savoir que les gouvernements mettront à jour leur stratégie climatique d’ici à 2020. Ils ont donc décidé de profiter d’un sommet sur les objectifs de développement durable de l’ONU, en septembre 2019, pour relever leurs ambitions.
En parallèle des négociations, le Chili a été désigné le 14 décembre pour accueillir la COP25, et le Costa Rica pour organiser la pré-COP.
« Nous avons réussi, pour la première fois, à faire en sorte que le monde entier puisse être surveillé pour ce qui est de l’action pour le climat », a déclaré la ministre allemande de l’Environnement, Svenja Schulze.
Son homologue français, François de Rugy, et sa secrétaire d’État Brune Poirson, n’ont pas participé aux derniers jours de négociations, pourtant considérés comme cruciaux dans le processus diplomatique et politique des négociations climatiques.
Plus d’homogénéité
« Il ne s’agit pas de stratégie, mais de tactiques, les négociations sont un jeu de compromis », a déclaré un négociateur, sous couvert d’anonymat. En effet, des confrontations, avertissements, des coalitions inattendues et des drames de dernière minute sont venus animer les deux dernières semaines de négociations.
« J’aurais pu être plus ambitieux, mais ce qui est important c’est que l’accord de Paris soit maintenant en mesure d’opérer, le système fonctionne et ça c’est un succès », a ajouté la source.
Les difficultés résident dans la structure même de l’accord de Paris : le caractère à première vue innovant du traité est sa dépendance envers les contributions déterminées au niveau national (CDN), c’est-à-dire l’ambition de chaque pays.
Mais ces CDN sont largement hétérogènes. Chaque pays a son propre plan d’action pour réduire les émissions, en fonction de ses spécificités géographiques, économiques et sociales.
Les règles de l’accord de Paris visent justement à donner un peu d’homogénéité au niveau international, en partant du principe que tous les pays contribuent à la lutte contre le changement climatique.
Ayant pour but d’apporter de la transparence et de la confiance entre les parties, le règlement demande aux pays de communiquer tous les cinq ans, à partir de 2020, leurs CDN, et de rendre compte de leurs émissions de gaz à effet de serre. Les gouvernements devront aussi publier un rapport sur la transparence tous les deux ans.
Si le cadre ne fait pas de distinction entre les pays développés et en développement, il fournit toutefois aux économies les plus vulnérables une « marge de flexibilité » dans la mise en place des différents outils de reporting.
Le règlement établit aussi un mécanisme de Bilan mondial (GST, pour Global Stocktake), qui devra avoir lieu tous les cinq ans à partir de 2023. Cela permettra aux pays de comparer et d’évaluer les progrès réalisés afin de mettre en place un cycle d’actions positives dans lequel les pays fixent et relèvent leur niveau d’ambition.
Progrès sur la finance climatique
David Levaï, en charge de la gouvernance climatique internationale au think tank français IDDRI, estime que des progrès substantiels ont été réalisés en termes de finance pour le climat à la COP24. En effet, un certain nombre de pays développés ont promis des fonds supplémentaires pour le Fonds vert pour le climat, le fonds d’adaptation et le fonds dédié aux pays les moins développés.
Il a aussi souligné les signaux positifs envoyés par les pays développés qui ont promis de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les pays les plus pauvres à s’adapter au changement climatique. Un point-clé dans les négociations climatiques depuis la COP15 à Copenhague en 2009.
Quant aux pertes et dégâts inévitables du changement climatique (article 8 de l’accord de Paris), un élément crucial pour les pays en développement, il ne fait plus partie des notes de bas de page dans le texte final mais a sa place dans le document publié le 15 décembre.
« Cela a contribué à renforcer la confiance entre pays développés et en développement. Il est clair, néanmoins, que ce n’est qu’un pas dans la bonne direction : d’autres signaux et engagements concrets seront nécessaires pour assurer aux pays en développement qu’ils seront soutenus dans leurs efforts pour accélérer leur transition vers des sociétés résilientes et bas carbone », a ajouté David Levaï