Des compagnies aériennes américaines accusent le projet allemand de taxation des billets d’avion de contrevenir au régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA).
Airlines for America (A4A), un groupe d’intérêts qui représente les compagnies aériennes américaines Delta, United et American, a fait part de ses inquiétudes à la Commission européenne au sujet du nouveau programme climatique allemand.
Le gouvernement d’Angela Merkel veut augmenter les taxes sur les billets des passagers, pour les vols domestiques et internationaux, afin de réduire la TVA sur les tickets de train. Ce projet pourrait amasser 750 millions d’euros dont 500 millions seraient dédiés au secteur ferroviaire allemand.
« Ciel ouvert »
Mais, aux yeux d’A4A, il n’est pas légal, il viole l’accord « ciel ouvert » entre l’UE et les États-Unis et va à l’encontre du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) esquissé par l’ONU.
« La subvention croisée du secteur ferroviaire au détriment des compagnies aériennes viole l’accord de transport aérien “ciel ouvert” entre Bruxelles et Washington », écrit le Nicholas Calio, président d’A4A, dans sa lettre à l’intention d’Henrik Hololei, chef de la direction générale de la mobilité et des transports (DG MOVE).
« Un tel fardeau sur l’aviation internationale n’est pas nécessaire et ne favorisera pas la réduction des émissions », ajoute-t-il.
Les compagnies aériennes allemandes abondent d’ailleurs en ce sens. « Nous ne pensons pas que ce projet permettra d’atteindre les objectifs climatiques de l’industrie et du pays », a indiqué la fédération allemande du secteur aérien (BDL).
Un porte-parole de l’aéroport de Cologne a souligné que cette hausse ne profitera qu’aux pays du Benelux, car leurs aéroports « seront ravis d’accueillir les passagers allemands qui fuient l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion ».
Et le CORSIA dans tout ça ?
D’après Nicholas Calio, ce projet est également problématique en ce sens qu’il sape le CORSIA, un régime adopté par les membres de l’ONU comme étant la seule option de réduction de carbone pour l’aviation internationale.
Les représentants de l’exécutif européen ont déclaré que la DG MOVE avait bien reçu la missive et que son contenu était actuellement analysé, mais ils ne se sont pas exprimé sur le projet allemand de taxation, dont il n’y a encore qu’un brouillon.
L’approbation finale de ce projet revient aux législateurs. S’ils le soutiennent, les nouvelles mesures pourraient entrer en application en avril 2020.
Les représentants de la Commission et des États membres avaient déjà essuyé de nombreuses critiques en octobre, pour ne pas être parvenus à défendre les systèmes des quotas d’émissions, l’instrument principal de politique climatique de l’UE, lors d’une réunion de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) à Montréal.
Les membres de l’ONU avaient signé un accord sur le CORSIA qui avait mis en doute la capacité de l’UE à réglementer, de sa propre initiative, les émissions de l’aviation internationale — un point confirmé dans la lettre.
Mais la Commission européenne maintient que « l’UE avait confirmé son engagement d’appliquer CORSIA lors de la réunion à Montréal, mais gardait aussi de la marge afin d’atteindre des objectifs climatiques plus ambitieux. »
Un porte-parole de Bruxelles a ajouté qu’« aucun Etat n’a explicitement remis en cause les ETS ou le droit européen pour aller au-delà du système de CORSIA dans l’UE, comme le confirme le rapport de l’assemblée. »
Le régime de réduction commencera sa phase-pilote en 2021 et devrait entièrement être d’application en 2027. Une analyse des ETS sera menée entre ces deux dates, en 2024.
CORSIA et les ETS diffèrent en ce sens que le projet de l’ONU contraindra les pollueurs à financer des programmes de réduction d’émissions à travers le monde, ce qui devrait compenser le taux d’émissions produit par les compagnies aériennes. Parmi ces programmes figurent, entre autres, ceux de reboisement.
Les ETS sont un marché du carbone, où la fluctuation d’un prix détermine la somme que les émetteurs doivent payer. Ce prix étant négocié à 25 € par tonne à l’heure actuelle, les experts insistent sur le fait qu’il devrait avoisiner 50 € afin d’engendrer un changement considérable dans les industries polluantes.